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Littérature

26 mai 2014 21 h 12 min
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Patrick Bouvet ou l’écriture qui explose

Une écriture maîtrisée… pas un gimmick !

Depuis 1999 et l’OVNI littéraire In Situ, Patrick Bouvet trace sa route d’écrivain, plasticien et compositeur. Oserai-je dire qu’il utilise à chaque fois la même méthode du sample et du collage ? Oui ! Alors autant son oeuvre de plasticien ou de musicien s’inscrit dans un courant, une technique, un mouvement, autant son écriture le rend à nul autre pareil.

Il en est à son 11ème livre, Carte son, et s’en prend cette fois à la musique, dénonçant à sa façon le star system, comme il a dénoncé tous les travers de notre monde dans les 10 ouvrages précédents : attentat terroriste, cinéma, 11 septembre, marketing, télévision, photo de mode… C’est extraordinaire !

Patrick Bouvet prend nos mots, les secoue, les renverse, les bouleverse, une phrase répétée à l’envi dans les journaux devient l’expression de tous nos maux : il la retourne, l’explose, la déchiquette, la détruit-reconstruit, on ne sait plus où donner de la tête dans ce rythme haletant où l’on est emporté entre surréalisme et déconstruction post-moderne. Les réalités se télescopent, les images se succèdent, se chevauchent, s’emmêlent et donnent naissance à des monstres sous nos yeux effarés, la répétition lancinante des groupes de mots dans des combinaisons à chaque fois différentes pousse le langage dans ses retranchements. Le rythme s’emballe, retombe, repart, on est scotché, déconcerté, surpris, désorienté… Cette écriture heurtée accouche d’une poésie fulgurante dans un cri spontané contre les automatismes de la pensée médiatisée, informatisée, aplatie, dénuée de sens à force de réitération et qui soudain, redonne à chaque mot son sens plein et entier en l’isolant des autres.

Ce style condensé, resserré, minimal est tellement maîtrisé que c’en est d’autant plus percutant. Patrick Bouvet, lui, sait d’où il part et où il va. Un exemple ? Evidemment ! Le début d’In situ pour comprendre très vite :

« le risque zéro
ça n’existe pas »
une femme aurait traversé
les barrages
avec une arme à
feu
dans son sac
des scénarios de
détournement d’avion de
prise d’otages de
gaz toxiques dans le métro
ont été testés
mais
« le risque zéro
ça n’existe pas »
(il y a seulement
huit mille ans
le Sahara était couvert
de lacs et de prairies)
le système
de vidéosurveillance
fonctionne parfaitement
le système fonctionne
mais
une femme
aurait traversé
le Sahara
de la vidéosurveillance
vidéo
zéro
dans son sac
pourtant le système
fonctionne
parfaitement (le tombeau
millénaire d’Hébron est sous
vidéosurveillance)

La plupart de ses livres sont édités chez les Editions de l’Olivier. Il a publié quelques textes directement sur Internet aux Editions Inventaire-Invention et, il y a une quinzaine d’années, alors que je n’avais pas Internet, il m’a envoyé un exemplaire broché du livre avec une dédicace adorable, car en plus il est SYMPA !

Vendredi 23 mai, il était à la Maison de la Poésie à Paris, pour une lecture de Carte son avec une vidéo en musique de son crû, complément magistral de son écriture.

Editions de l’Olivier

Category: Littérature
Tags: écriture, poésie, post-moderne
11 mai 2014 20 h 15 min
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Bessa Myftiu – albanaise et écrivain

Bessa Myftiu, la fille de l’écrivain Mehmet Myftiu, est née à Tirana en 1961, au pire moment du communisme albanais, lorsque le pays était totalement fermé à l’extérieur. Elle a quitté l’Albanie à 29 ans, après avoir rencontré un artiste suisse francophone, et s’est installée à Genève.

Le recueil de poèmes dont j’ai envie de parler parce qu’il m’a touchée a été écrit en deux langues, français et albanais, en 1994, puis réédité à Tirana en 2009 en édition bilingue. Bessa Myftiu se traduit elle-même, passe d’un territoire linguistique lourd, empreint de réalisme socialiste, à un territoire linguistique français plus léger, plus libre. Après tout, elle n’écrit pas pour ceux qui savent, mais pour raconter aux citoyens du pays où elle habite.

Son premier roman Ma légende est un hommage à son père, le tout dernier Amours au temps du communisme, date de 2011. Bessa Myftiu a aussi écrit des contes, le scénario d’un film qu’elle a interprété, des essais, des articles pour la presse. Elle est traductrice albanais-français pour la Radio Suisse Romande.

Elle écrit l’exil, la solitude, l’éloignement des siens, de ses amis… Son recueil s’intitule Des amis perdus. En voici un poème, que tous ceux qui ont quitté leur patrie comprendront et qui touchera ceux qui sont à l’écoute des exilés :

Où sont mes amis ?

Je n’ai plus d’amis,
mais seulement des numéros de
téléphone,
qui commencent tous
par zéro-zéro…

Je n’ai plus d’amis,
mais seulement un bloc-notes,
où restent en ligne
des adresses et des noms,

Je n’ai plus d’amis,
J’ai seulement des morceaux de souvenirs…

Mes amis sont tous partis
vers le monde,
la patrie était petite,
mais le monde aussi,

le monde est trop petit
pour les rêves que nous avons.

photo (29)

Category: Littérature
Tags: Albanie, écrivain, exil, Genève, poème
21 avril 2014 22 h 42 min
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René CHAR

Un immense poète

Né à L’Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse en 1907, René Char est mort à Paris en 1988. Colosse d’1,92m au rocailleux accent du Sud, il habite à L’Isle-sur-la-Sorgue une grande partie de sa vie,  et reprend même les plâtrières que dirigeait son père mais, comme par hasard, une septicémie l’empêche de continuer ce travail. Il a fait de fréquents séjours à Paris, et a appartenu un temps au mouvement surréaliste dans les années 30, au moment où d’autres le quittaient. Résistant pendant l’occupation sous le nom de Capitaine Alexandre, il décrit cette expérience dans Les Feuillets d’Hypnos. Mais il écrit surtout une oeuvre poétique très importante et magnifique que je vous invite à découvrir. Ainsi que le dit très justement Maurice Blanchot, dans cette oeuvre « l’expression poétique est la poésie mise en face d’elle-même et rendue visible, dans son essence, à travers les mots qui la recherchent. » Il chante l’amour bien sûr, mais aussi la joie, la confiance, le bonheur de vivre, les paysages qui l’entourent…

Un poème peut s’écrire en deux lignes, tel celui-ci, intitulé Ils sont privilégiés… :

     Ils sont privilégiés, ceux que le soleil et le vent
suffisent à rendre fous, sont suffisants à saccager !

L’un de mes poèmes préférés

Très émouvant, il parle d’une situation que nous avons tous connue : après une séparation, nous continuons à penser à l’être aimé, à le protéger en pensée alors qu’il ne s’en doute pas.

Allégeance

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il
va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut
lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima ?

Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L’espace qu’il
parcourt est ma fidélité. Il dessine l’espoir et léger l’éconduit.
Il est prépondérant sans qu’il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu,
ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s’inscrit
son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il
va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut
lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima et l’éclaire
de loin pour qu’il ne tombe pas ?

Category: Littérature
Tags: poésie, René Char, résistant, surréalisme, Vaucluse
5 avril 2014 23 h 34 min
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Marguerite Duras

Une centenaire et des hypocrites

Marguerite Duras aurait eu 100 ans hier. Les journaux en ont parlé, c’est un auteur reconnu, elle est dans la Pléiade, c’est dire ! Je ne peux pas m’empêcher de ressentir un vague dégoût en lisant ces hommages. De son vivant, elle n’était pas la favorite de ces messieurs critiques littéraires. Son style minimaliste, à la limite de la faute de français, ne leur plaisait pas vraiment. On s’est moqué d’elle, on l’a pastichée, peu d’intellectuels l’appréciaient… Et alors tout d’un coup, elle entre dans le patrimoine sacré des Lettres Françaises ? Elle dont on a raillé la vie tumultueuse, parlant de son alcoolisme, de sa liaison étrange avec un homme plus jeune (dans ce sens, c’est toujours inacceptable et choquant, le jeune homme passant pour un gigolo, un profiteur douteux, alors que les hommes se glorifient de leur liaison avec une femme de vingt ou trente ans leur cadette). Moi je n’ai pas attendu ce moment pour aimer ses livres et l’admirer.

Petite biographie

Elle est née en Indochine, ça tout le monde le sait. Elle y a passé une enfance et une adolescence tristes et misérables, avec son père professeur de mathématiques et sa mère institutrice dans une école d’une région éloignée de Saïgon. Un frère opiomane, une mère qui lui préférait le fils aîné et qui a acheté des terres inondables par la mer, incultivables, dont elle n’a jamais pu récupérer l’investissement. Marguerite arrive à Paris, se lie à la Résistance, son mari est déporté et sera rapatrié par des amis alors qu’on l’avait déjà mis avec les mourants irrécupérables du camp… Puis les films après l’écriture, une autre forme d’avant-gardisme pas toujours bien compris. Enfin, une grande solitude, l’alcool, et Yann Andréa, le compagnon des dernières années…

Un style bien à elle

Pastichée, imitée, mais jamais égalée dans ce style minimal qui décortique les sentiments au scalpel et montre en peu de mots la détresse d’une femme, elle a écrit au moment où Nathalie Sarraute et Alain Robbe-Grillet créaient le Nouveau Roman, mais on ne peut pas dire qu’elle s’est jointe au mouvement. Ses romans décalés parlent de solitude, d’incompréhension, d’une certaine forme de folie calmement assumée dans les lieux les plus improbables, réels ou fictifs. On se croise, on s’évite, on s’étreint pour mieux s’oublier ensuite, la vie passe, indifférente, cruelle, dans un immobilisme trompeur. Ses héroïnes attendent l’amour, le guettent, le reçoivent et le perdent. Il existe mais il est impossible. Du coup, ses personnages masculins sont à l’image de cet amour évanescent : fantomatiques, ils traversent l’histoire de loin, ne s’y engagent pas, ou en sont absents, remémorés. Cela confère à chaque récit un aspect onirique, flottant presque, où le souvenir tourne à l’obsession et les lieux se chargent d’un poids de nostalgie.

Mes préférés

Je conseillerais de commencer par les romans du début pour aborder l’oeuvre de Marguerite Duras dans sa chronologie : Le Ravissement de Lol V Stein ; Dix heures et demie du soir en été ; Un barrage contre le pacifique ; le Marin de Gibraltar ; Détruire, dit-elle ; L’amant ; L’homme atlantique ; les yeux bleus cheveux noirs ; La Maladie de la Mort ; La Douleur…

Extrait

    « La chaise longue était à sa place, la table aussi, les revues. Tatiana Karl était peut-être dans la maison. C’était un samedi vers quatre heures. Il faisait beau.

     Je crois ceci :

     Lol, une fois de plus, fait le tour de la villa, non plus dans l’espoir de tomber sur Tatiana mais pour essayer de calmer un peu cette impatience qui la soulève, la ferait courir : il ne faut rien en montrer à ces gens qui ne savent pas encore que leur tranquillité va être troublée à jamais. Tatiana Karl lui est devenue en peu de jours si chère que si sa tentative allait échouer, si elle allait ne pas la revoir, la ville deviendrait irrespirable, mortelle. Il fallait réussir. Ces jours-ci vont être pour ces gens, plus précisément qu’un avenir plus lointain, ceux qu’elle en fera, elle, Lol V. Stein. Elle fabriquera les circonstances nécessaires, puis elle ouvrira les portes qu’il faudra : ils passeront. »

Le Ravissement de Lol V. Stein, 1964

Category: Littérature
Tags: centenaire, Marguerite Duras, roman
27 mars 2014 20 h 12 min
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Eloge de la faiblesse – Alexandre Jollien

Un philosophe à la faiblesse forte

J’ai fait la connaissance d’Alexandre Jollien dans le magazine chrétien La Vie que je lisais chaque semaine à une certaine époque. Ses chroniques pleines de tendresse, d’humour et de tolérance m’apportaient de la joie et de l’optimisme. Je me suis promis de lire l’un de ses livres, c’est enfin chose faite et je n’ai pas été déçue !

Alexandre Jollien est né en Suisse en 1975, avec le cordon ombilical enroulé autour du cou. Il est handicapé moteur cérébral et a vécu 17 ans dans un centre pour enfants handicapés où le bel avenir qu’on lui faisait miroiter pour l’encourager à marcher et à parler était de travailler dans une fabrique de cigares. Il a dû se battre pour se mettre debout et faire un pas après l’autre, manier la fourchette et le couteau, faire du vélo… Un jour, dans une librairie avec une amie, il tombe sur un petit ouvrage de philo, mais je lui laisse la parole : « Commentant Socrate, l’auteur disait : « Chercher à vivre meilleur, tout est là. » Jusqu’alors, j’avais tout fait pour m’efforcer de vivre mieux, c’est-à-dire améliorer mon sort et me développer physiquement. Et parmi les livres s’établissait tout-à-coup une conversion, un but était né. Vivre meilleur, prendre soin de mon âme, progresser intérieurement. »

Il a étudié la philosophie à l’université et donne à présent des conférences, écrit des livres. Celui-ci est un dialogue imaginaire entre Socrate et lui, où il raconte son enfance, le handicap, l’amitié avec ses camarades, son arrivée dans un lycée où se trouvent des jeunes « normaux », définit au passage la normalité d’ailleurs…

Son livre n’est pas une leçon de tolérance et d’amour qu’un handicapé donnerait à des valides insensibles ou qui se donnent bonne conscience avec une pitié humiliante. Il s’agit d’un témoignage, un simple récit avec des anecdotes : le camarade grabataire incapable de parler qui rit à chaque pas que fait le petit Alexandre : il ne se moque pas, bien au contraire, le rire est sa seule façon de communiquer des encouragements, alors plus Alexandre avance sans difficultés, plus son camarade se réjouit de ses progrès ! Et puis, il y a celui qui ne sait pas exprimer des sentiments, dont le vocabulaire est limité : « En disant, dans sa langue : « Toi, bo pull », ou, « Toi, bien coiffé », il parvenait à exprimer tout simplement sa tendresse, son amitié, sa joie d’être avec moi. »

En lisant Alexandre Jollien, on n’est pas ému, on ne reçoit pas une leçon de vie, on apprend juste qu’au-delà du handicap, de la douleur physique, du traumatisme de la vie dans un centre spécialisé avec éducateurs et médecins, loin de l’affection des siens, un enfant a envie de se développer physiquement et spirituellement, d’aller vers les autres quels qu’ils soient, de les accepter, de les aimer et d’être accepté et aimé en retour. De cette faiblesse du handicap faire une force qui dompte la vie avec optimisme.

Rien que cette énergie positive m’a fait reposer le livre avec un grand sourire quand je l’ai terminé, alors j’avais envie de communiquer ce grand sourire à tous !

A Jollien

Category: Littérature
Tags: amour, faiblesse, handicap, optimisme, tolérance, vie
4 mars 2014 23 h 14 min
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Etudes sur Tchouang-tseu – Jean-François BILLETER

Mes livres et mes amis

Je lis depuis que je sais lire, mes amis le savent. Il y a environ 2000 bouquins chez moi, répartis dans quatre bibliothèques dont une fait tout un mur jusqu’en haut. C’est impressionnant, oui. Alors personne ne m’offre de livres. Sans doute la peur de tomber à côté ou au contraire, d’être pile dans la cible, mais je l’ai déjà… Et puis, parfois, un ami lettré avec qui j’échange beaucoup me fait un cadeau approprié : lui ne peut pas se tromper. C’est ainsi que j’ai reçu ces Etudes sur Tchouang-tseu pour mon dernier anniversaire. Lecture passionnante que j’ai envie de partager avec vous.

Un sinologue étonnant

Jean-François Billeter est un sinologue suisse peu connu en France. Son exégèse du philosophe taoïste Tchouang-tseu n’en est que plus intrigante. Les éditions Allia la publient après ses Leçons sur Tchouang-tseu qui reprennent ses cours au Collège de France des 13, 20, 27 octobre et 3 novembre 2000. Autant dire que nous avons affaire là à un spécialiste. Non seulement il lit et commente Tchouang-tseu, mais il le traduit, c’est-à-dire qu’il entre dans son oeuvre de l’intérieur. Se débarrassant alors des clichés et préjugés sur la philosophie chinoise, la place du taoïsme dans ce corpus littéraire, l’opposition philosophie orientale – philosophie occidentale, Jean-François Billeter analyse l’oeuvre de Tchouang-tseu avec un regard original totalement neuf, et ne se prend pas au sérieux, ce qui le rend d’autant plus agréable à lire. Il s’adresse à la fois aux sinologues, notamment par l’intermédiaire de notes qui leur sont réservées, et aux profanes par des explications détaillées très claires et simples à comprendre, tant historiques que philologiques, théologiques, ou philosophiques.

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Un livre très intelligemment construit

L’auteur nous propose quatre extraits de l’oeuvre de Tchouang-tseu (contrairement à Lao-tseu et Lie-tseu, son oeuvre n’a pas de titre), qu’il traduit et commente ensuite en y apportant un éclairage nouveau. Il met par exemple en résonance Saint Paul et les Evangiles, Wittgenstein, l’hypnose avec le texte chinois.  Les oeuvres complètes, rédigées par le Maître puis des disciples et d’autres auteurs plus tardivement, ont été écrites au IVème siècle avant notre ère et organisées en chapitres ultérieurement. Il y en a 33 en tout, divisés de la façon suivante par le lettré Kouo Siang près de 400 ans plus tard : chapitres intérieurs, chapitres extérieurs et divers. Un siècle plus tôt, l’ouvrage a été compilé en 52 chapitres. Ces différences tiennent au fait que les bibliothécaires compilateurs aient voulu « utiliser » la pensée de Tchouang-tseu en adéquation avec la philosophie de leur époque, critique ou adepte de Confucius. En effet, Tchouang-tseu imagine des dialogues entre Confucius et son disciple préféré Yen-Houei. Jean-François Billeter en cite un qu’il étudie en détail dans les premiers chapitres de ces études. Il nous explique alors qui était Confucius, que les exégètes occidentaux ont pris pour un philosophe au sens qu’a ce terme dans la tradition de la pensée occidentale, lourde erreur selon lui. Aussi dans une deuxième partie intitulée Compléments écrit-il quelques pages sur Confucius par le biais d’une critique de l’ouvrage de Jean Levi sur le Maître. Il cite ensuite un texte sur les devins pour éclairer les écrits de Tchouang-tseu à la lumière d’une tradition religieuse plus ancienne des Chinois, chamanique notamment, et dont le texte du maître taoïste porte encore des traces. Puis il détaille une traduction d’un texte pour que nous comprenions sa méthode pour traduire cet auteur ancien, davantage par l’intuition qu’en référence aux commentateurs chinois et occidentaux du texte.

Tout comme Etiemble dans sa préface à l’édition des Philosophes taoïstes de la Pléïade, Jean-François Billeter cite et commente les traductions en français, anglais et allemand de Tchouang-tseu. J’avoue que la traduction de Liou Kia-hway chez Gallimard (donc celle reprise en Pleïade) m’est la plus familière, mais suite à ma lecture de ces études par Jean-François Billeter, je vais me procurer la version anglaise traduite par Burton Watson qu’il recommande comme la plus fidèle au texte chinois et à son esprit. Et bien sûr, j’ai très envie de poursuivre ma découverte de l’exégèse de Tchouang-tseu par Jean-François Billeter en me procurant Les Leçons.

En guise de conclusion

Un extrait d’un dialogue entre le Maître et un disciple, avec un extrait du commentaire de Jean-François Billeter qui vous donnera envie, je l’espère, d’en lire davantage :

« Houei Cheu dit à Tchouang-tseu : »J’ai chez moi un arbre de la variété que les gens appellent tch’ou. Il a le tronc si noueux et difforme qu’on ne peut lui appliquer le fil à encre, ses branches sont si tordues qu’on ne peut leur appliquer ni le compas, ni l’équerre. S’il avait poussé au bord d’un chemin, aucun charpentier passant par là ne s’intéresserait à lui un instant. Il en va de même avec tes idées : elles sont grandioses, mais parfaitement inutilisables, de sorte que tout le monde s’en détourne. » Tchouang-tseu répondit : « N’as-tu jamais observé comment le chat sauvage se tapit pour guetter sa proie, comment il bondit sur elle tantôt dans une direction, tantôt dans une autre, vers le haut ou vers le bas, jusqu’au jour où il tombe dans un piège et meurt, prisonnier du filet?(…) »

Notons cette façon caractéristique de répondre par le passage abrupt à une vision qui semble sans rapport avec la question posée. Après avoir parlé à Houei Cheu du chat sauvage, cet habile chasseur qui finit par se faire prendre, Tchouang-tseu lui explique que la recherche de l’utile mène à la ruine. Son arbre est précieux parce qu’aucun charpentier ne s’y intéresse, lui dit-il, et la valeur de mes idées tient justement à ce que nul ne peut s’en servir comme d’un moyen. Elles ont leur raison d’être en elles-mêmes. »

Ce dialogue se conclut ainsi :

« Tu possèdes un grand arbre et tu te désoles qu’il soit inutilisable ? Que ne le plantes-tu pas dans le royaume du moins que rien ou dans les vastes champs de l’indéfini pour te prélasser dessous sans rien faire ou dormir insouciant à son pied ! Il ne subira pas la hache, rien ne lui causera du tort. Il sera inutile, en effet, et ne souffrira donc de rien ! »

Notez comme la traduction est limpide ! Il ne nous reste plus qu’à méditer ces paroles…

 

Category: Littérature
Tags: chinois, philosophe, sinologue, taoïste
9 février 2014 23 h 08 min
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Virginia Woolf & les Vagues

Petite biographie

Virginia Stephen naît en 1882 dans une famille de lettrés, famille « recomposée » dirions-nous aujourd’hui, puisque ses parents, veufs tous les deux, ont chacun eu des enfants d’un précédent mariage. Elle reçoit une éducation que beaucoup de filles de son époque n’ont pas et se met à écrire très jeune. Cependant elle a les les nerfs fragiles : la mort de sa mère, puis de sa demi-soeur provoquent une première dépression nerveuse, la mort de son père en 1904 sera un tel choc qu’elle devra être internée quelques temps. Aujourd’hui, elle serait très bien soignée pour ses troubles bipolaires, mais – et la question est terrible à poser – aurait-elle laissé l’oeuvre immense qu’elle a écrite si on l’avait « calmée » par un traitement médical ?

Bisexuelle, elle épouse Leonard Woolf et vit une grande histoire d’amour avec Vita Sackville-West qui lui inspirera son roman Orlando, ou un jeune homme traverse les siècles et change de sexe. Son mari fonde une maison d’édition, Hogarth Press, qui publiera ses oeuvres mais aussi celles de leurs amis. Habitant Bloomsbury, – le quartier près du British Museum à Londres – ils font partie du Bloomsbury Group avec Lytton Strachey, Duncan Grant, Clive Bell, Dora Carrington, Roger Fry, Vanessa Bell (la soeur de Virginia), Mark Gertler et d’autres. C’est une période intense de création littéraire et artistique, dans l’entre-deux-guerres. Le féminisme apparaît, le socialisme devient une idée politique forte, la société, les moeurs, la littérature, tout est en débat. Mais la Seconde Guerre mondiale va bouleverser cet équilibre et l’angoisse revient chez l’écrivain. Elle entend à nouveau des voix, elle craint le retour de la folie. Cette fois, c’est insupportable : elle se remplit les poches de cailloux et entre dans la rivière située à côté de sa maison de campagne. Sa lettre d’adieu à Leonard est poignante…

Petite bibliographie

Virginia Woolf fait partie de ces auteurs que l’on aime en intégralité ou pas du tout. Elle a mené une recherche stylistique pour exprimer, non des intrigues, mais ce fameux courant de conscience (stream of consciousness) illustré également de façon magistrale par James Joyce. Son premier roman, La traversée des apparences (The voyage out, 1915), raconte l’histoire de Rachel sous un angle totalement intériorisé. Elle part en Amérique du Sud et y vit une histoire tragique, mais cela importe peu à la limite, l’important est ce qu’elle ressent, par rapport à elle-même, mais aussi par rapport aux autres, parents, amis, amoureux. C’est magistral ! Tous ces romans suivront ce schéma narratif déconstruit : La promenade au phare (To the Lighthouse), Mrs Dalloway, rendu de nouveau célèbre grâce au magnifique roman de Michael Cunningham qui arrive à recréer son style romanesque, et grâce au film sublime de Stephen Daldry où Nicole Kidman interprète Virginia Woolf avec une sensibilité très touchante et vraie. Et puis il y a Nuit et jour (Night and Day) où l’héroïne, sur la vie de qui pèse la célébrité d’un aïeul poète, doit choisir entre deux hommes. On comprend sa nervosité lorsqu’elle prend le thé en famille parce qu’elle émiette son cake sur l’assiette au lieu de le manger… Bon je ne vais pas tout citer, il y a de très bons sites pour ça sur Internet, allez voir et choisissez…

Virginia Woolf écrit également des nouvelles, des essais, des critiques, et notamment elle est une collaboratrice régulière du Times Literary Supplement pour lequel elle se farcit des oeuvres fleuves en 18 volumes, son journal regorge de « Je suis en train de lire XY en 18 volumes pour le TLS »… Quel courage ! Mais toute son oeuvre reflète son intelligence acérée, sa capacité à observer et analyser la société dans laquelle elle vit, même son journal est passionnant à lire, ça tombe bien, il a aussi été traduit en français !

The Waves – Les Vagues

The sun had not yet risen. The sea was indistinguishable from the sky, except that the sea was slightly creased as if a cloth had wrinkles in it. Gradually as the sky whitened a dark line lay on the horizon dividing the sea from the sky and the grey cloth became barred with thick strokes moving, one after another, beneath the surface, following each other, pursuing each other, perpetually.

C’est le début, c’est magnifique, on y trouve déjà le rythme, la tonalité psychologique, la poésie de ce roman que l’auteur n’appelait pas « roman » mais « poème-jeu » (playpoem). Il y a 9 interludes de cette sorte en italique qui décrivent un paysage côtier à différentes heures du jour, j’allais dire en voix-off, mais c’est bien de cela qu’il s’agit. Narration à la troisième personne pour séparer les différentes étapes de la vie de six personnages que nous suivons depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse. Chacune des 9 séquences commence par indiquer la position du soleil dans le ciel, jusqu’à la dernière où il s’est couché :

Now the sun had sunk. Sky and sea were indistinguishable. The waves breaking spread their white fans far out over the shore, sent white shadows into the recesses of sonorous caves and then rolled back sighing over the shingle.

Bernard, Susan, Rhoda, Louis, Jinny, Neville, bien que distincts, incarnent une même conscience qui s’exprime de six façons différentes. Chaque monologue croise les autres, les complète, les éclaire. On entend parler d’un septième personnage, Percival qui part en Inde et laisse un souvenir poignant aux six amis. Les émotions, les perceptions et les expériences des personnages vont et viennent dans le récit, comme les vagues sur la côte. Ils sont tour à tour perdus, sûrs d’eux, émus, troublés, heureux, tristes, et nous vivons tout cela avec eux comme si nous ressentions nous aussi ces mouvements intérieurs avec la même acuité.  Ce roman est une plongée au coeur de la psychologie masculine et féminine, un long poème ultra-sensible, écrit à fleur de peau dans une langue fluide, retraduite depuis la version de Marguerite Yourcenar.

photo (3)

En 2012, Virginia Woolf a été la neuvième femme à entrer dans la Pléiade, plusieurs de ses romans ont été retraduits à cette occasion. Vous pouvez commencer par La promenade au phare (je crois que désormais ça s’appelle Vers le phare). Mais si un jour vous voulez comprendre la vie, les émotions, les relations amoureuses, l’amitié, le bonheur et le chagrin, lisez Les vagues et revenez m’en parler ! Moi je le relis régulièrement avec le même délice…

Category: Littérature
Tags: Bloomsbury, conscience, courant, phare, promenade, vagues, Virginia Woolf
13 janvier 2014 21 h 44 min
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Laszlo KRASZNAHORKAI

Un écrivain hongrois

Avec Esterházy et Nádas, Krasznahorkai est à mon sens l’un des plus grands écrivains hongrois de nos jours. Il a commencé à écrire au siècle dernier et ses oeuvres continuent à nous séduire aujourd’hui. Quelle chance pour les Français que sa traductrice, Joëlle Dufeuilly, travaille régulièrement sur l’un de ses romans ! et parvient à rendre de façon magistrale les longues phrases – parfois de plusieurs pages – de l’auteur ! Je le lis dans la langue originale, mais je me réjouis de pouvoir l’offrir à mes amis curieux de découvrir cette littérature foisonnante, aux images étranges, aux personnages fantastiques qui vivent dans un univers de petites villes étriquées qui explosent sous la pression d’événements incroyables…

Guerre et Guerre

Après Le Tango de Satan (Gallimard, 2000) et La mélancolie de la Résistance (Gallimard, 2006), Guerre et Guerre, roman paru chez Cambourakis à l’automne dernier,   n’échappe pas à cette règle. C’est l’histoire d’un archiviste, Korim, qui découvre un manuscrit étrange qu’il veut protéger à tout prix. Il part à New York et le recopie intégralement sur le Net. Krasznahorkai enchevêtre alors habilement l’histoire que décrit ce manuscrit et celle de personnages contemporains. On pourrait se perdre, mais non, il suffit de se laisser emporter là où l’auteur nous emmène car lui maîtrise parfaitement son parcours sans s’égarer.

Si vous voulez partir très loin, vous dépayser dans un univers poétique ésotérique qui parle du monde dans lequel nous vivons avec une lucidité exacerbée, lisez les romans de Krasznahorkai, vous ne le regretterez pas !

http://www.krasznahorkai.hu/

Category: Littérature
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