Un philosophe à la faiblesse forte

J’ai fait la connaissance d’Alexandre Jollien dans le magazine chrétien La Vie que je lisais chaque semaine à une certaine époque. Ses chroniques pleines de tendresse, d’humour et de tolérance m’apportaient de la joie et de l’optimisme. Je me suis promis de lire l’un de ses livres, c’est enfin chose faite et je n’ai pas été déçue !

Alexandre Jollien est né en Suisse en 1975, avec le cordon ombilical enroulé autour du cou. Il est handicapé moteur cérébral et a vécu 17 ans dans un centre pour enfants handicapés où le bel avenir qu’on lui faisait miroiter pour l’encourager à marcher et à parler était de travailler dans une fabrique de cigares. Il a dû se battre pour se mettre debout et faire un pas après l’autre, manier la fourchette et le couteau, faire du vélo… Un jour, dans une librairie avec une amie, il tombe sur un petit ouvrage de philo, mais je lui laisse la parole : « Commentant Socrate, l’auteur disait : « Chercher à vivre meilleur, tout est là. » Jusqu’alors, j’avais tout fait pour m’efforcer de vivre mieux, c’est-à-dire améliorer mon sort et me développer physiquement. Et parmi les livres s’établissait tout-à-coup une conversion, un but était né. Vivre meilleur, prendre soin de mon âme, progresser intérieurement. »

Il a étudié la philosophie à l’université et donne à présent des conférences, écrit des livres. Celui-ci est un dialogue imaginaire entre Socrate et lui, où il raconte son enfance, le handicap, l’amitié avec ses camarades, son arrivée dans un lycée où se trouvent des jeunes « normaux », définit au passage la normalité d’ailleurs…

Son livre n’est pas une leçon de tolérance et d’amour qu’un handicapé donnerait à des valides insensibles ou qui se donnent bonne conscience avec une pitié humiliante. Il s’agit d’un témoignage, un simple récit avec des anecdotes : le camarade grabataire incapable de parler qui rit à chaque pas que fait le petit Alexandre : il ne se moque pas, bien au contraire, le rire est sa seule façon de communiquer des encouragements, alors plus Alexandre avance sans difficultés, plus son camarade se réjouit de ses progrès ! Et puis, il y a celui qui ne sait pas exprimer des sentiments, dont le vocabulaire est limité : « En disant, dans sa langue : « Toi, bo pull », ou, « Toi, bien coiffé », il parvenait à exprimer tout simplement sa tendresse, son amitié, sa joie d’être avec moi. »

En lisant Alexandre Jollien, on n’est pas ému, on ne reçoit pas une leçon de vie, on apprend juste qu’au-delà du handicap, de la douleur physique, du traumatisme de la vie dans un centre spécialisé avec éducateurs et médecins, loin de l’affection des siens, un enfant a envie de se développer physiquement et spirituellement, d’aller vers les autres quels qu’ils soient, de les accepter, de les aimer et d’être accepté et aimé en retour. De cette faiblesse du handicap faire une force qui dompte la vie avec optimisme.

Rien que cette énergie positive m’a fait reposer le livre avec un grand sourire quand je l’ai terminé, alors j’avais envie de communiquer ce grand sourire à tous !

A Jollien