Un immense poète

Né à L’Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse en 1907, René Char est mort à Paris en 1988. Colosse d’1,92m au rocailleux accent du Sud, il habite à L’Isle-sur-la-Sorgue une grande partie de sa vie,  et reprend même les plâtrières que dirigeait son père mais, comme par hasard, une septicémie l’empêche de continuer ce travail. Il a fait de fréquents séjours à Paris, et a appartenu un temps au mouvement surréaliste dans les années 30, au moment où d’autres le quittaient. Résistant pendant l’occupation sous le nom de Capitaine Alexandre, il décrit cette expérience dans Les Feuillets d’Hypnos. Mais il écrit surtout une oeuvre poétique très importante et magnifique que je vous invite à découvrir. Ainsi que le dit très justement Maurice Blanchot, dans cette oeuvre « l’expression poétique est la poésie mise en face d’elle-même et rendue visible, dans son essence, à travers les mots qui la recherchent. » Il chante l’amour bien sûr, mais aussi la joie, la confiance, le bonheur de vivre, les paysages qui l’entourent…

Un poème peut s’écrire en deux lignes, tel celui-ci, intitulé Ils sont privilégiés… :

     Ils sont privilégiés, ceux que le soleil et le vent
suffisent à rendre fous, sont suffisants à saccager !

L’un de mes poèmes préférés

Très émouvant, il parle d’une situation que nous avons tous connue : après une séparation, nous continuons à penser à l’être aimé, à le protéger en pensée alors qu’il ne s’en doute pas.

Allégeance

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il
va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut
lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima ?

Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L’espace qu’il
parcourt est ma fidélité. Il dessine l’espoir et léger l’éconduit.
Il est prépondérant sans qu’il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu,
ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s’inscrit
son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il
va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut
lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima et l’éclaire
de loin pour qu’il ne tombe pas ?

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