Le violon voyageur d’un musicien amateur

Dans les années 30, la musique faisait partie de l’éducation bourgeoise. Ainsi, à l’internat de Csongrád, dans le sud de la Hongrie, Papa jouait du violon. Il participait aux spectacles de fin d’année avec ses camarades et, m’a-t-il raconté, il allait en ville avec eux jouer la sérénade à chacune de leurs petites copines.

Papa a tout naturellement emporté son violon à Munich, lorsqu’il y a été nommé au Consulat de Hongrie en 1942. La caisse étant d’origine, je peux vous la montrer :

la caisse du violonla caisse du violon ouverte

 

 

 

 

Les archets aussi sont d’époque…
Après les bombardements qui ont détruit le Consulat, le personnel s’est replié dans une petite ville bavaroise, en chômage technique. Papa a ainsi pu passer des après-midis entières à jouer du violon dans sa chambre, la fenêtre grande ouverte sur un beau paysage alpestre.

Puis, après la guerre, c’est la nomination à la Légation de Hongrie, en 1947. Papa arrive à Paris, son violon dans ses bagages. Il ne se doute pas alors que son instrument ne reverra jamais la Hongrie et partagera son exil… Mais le plus curieux, c’est que pour le violon, il s’agit d’un :

Retour au bercail !

En effet, ce violon a été fabriqué par un luthier français, Pierre Hel, à Lille en 1926. Donc pour l’instrument, retour sur le territoire français qui l’a vu naître !

Certains dimanches après-midis, Papa le sortait et nous en jouait. Il suffisait de lui fredonner un air, même inconnu de lui, et il pouvait le jouer. J’étais très admirative car je n’ai pas du tout l’oreille musicale, à mon grand regret.

A la mort de Papa, j’ai voulu garder son violon et je l’ai apporté chez moi. Où il s’abîmait, faute d’être joué. Cela me faisait de la peine, mais que faire ? Je ne connaissais personne dans le milieu des luthiers.

Jusqu’au jour où j’ai rencontré quelqu’un avec qui j’ai discuté musique classique. Et j’ai mentionné mon éducation musicale, mon amour de la musique transmis par mes parents et « d’ailleurs à ce propos, Papa jouait du violon et je l’ai gardé, mais il est très abîmé ». Réponse de mon interlocuteur : « Formidable ! Apporte-le moi, je suis aussi apprenti chez un luthier. » Quelle émotion ! Je l’ai carrément apporté chez son maître et à présent, il est restauré, tout beau :

le violon de Papale violon de Papa de dos

 

 

 

 

 

 

Il me reste à lui offrir un bel étui pour le protéger, à l’assurer et je pourrai le louer à un violoniste pour qu’il soit régulièrement joué. Les archets, quant à eux, sont chez un archetier, en restauration eux aussi. En attendant, j’ai découvert un bel atelier dont je parlerai dans un prochain article et, grâce à mon ami Rezart, nous allons organiser un concert. Je suis très heureuse et je suis sûre que quelque part, là-haut, Papa l’est aussi.