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#langue

23 mai 2016 22 h 13 min
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Traduire, trahir ? Questions sur la traduction

Traduire, c’est trahir quoi ?

S’il ne s’agissait que de recopier un texte d’une langue dans une autre, tout le monde serait traducteur. La langue est le support d’une culture dont la littérature est un élément important, une expression vivante et dynamique. Retranscrire cette expression littéraire dans une autre culture, avec un autre système de références, mais sans dénaturer l’original, voilà le défi du traducteur. Tout d’abord, il y a les sourciers, qui privilégient la langue source et veulent garder son caractère au maximum. Mais attention, c’est dangereux, car cela peut donner des phrases comme « Bonjour ! ouvrit-il la porte. » Et oui, cela fonctionne en hongrois, mais vous le voyez bien, pas en français ! Ensuite il y a les ciblistes, davantage attentifs à la langue d’arrivée du texte. Passe-t-on d’un extrême à l’autre ? Pas totalement, car loin de trahir, les ciblistes essaient de rendre au maximum l’atmosphère d’un roman, la démonstration d’un essai, en usant d’autres outils que l’auteur. Etre fidèle à un cheminement de pensée, un style, une atmosphère, mais avec un autre vocabulaire et une grammaire différente, voilà le travail à accomplir.

Que peut-on traduire ?

Le style tout d’abord. Les longues descriptions lyriques de Cormac McCarthy soudain coupées d’une phrase lapidaire, c’est possible. Les métaphores filées de Miklós Szentkuthy qui durent une page et demie puis reprennent le récit là où il s’était interrompu, les images de sa fantaisie, par exemple dans Escorial Lucrèce Borgia qui discute sur un balcon avec un homme la nuit, le croissant de lune comme une dague enfoncée dans son chignon : tout le monde comprend qu’avec la perspective, le croissant en forme de dague incurvée a l’air enfoncé dans la coiffure de Lucrèce, et c’est aussi une allusion à sa témérité et à sa dépravation, les Borgia ne reculant pas devant le meurtre pour réaliser leurs projets. Les références culturelles universelles se traduisent également, citations bibliques, shakespeariennes, extraits de la littérature mondiale dont il faut aller vérifier en bibliothèque la traduction exacte car un confrère a traduit déjà.

Que peut-on adapter ?

Les locutions figées : « Boire comme un trou » qui se dit « boire comme le pélican » en hongrois par exemple ; les résultatives anglaises comme « she cried herself to sleep » que l’on traduira par « Elle pleura jusqu’à s’endormir » (ma proposition, il y en a d’autres bien sûr) ; les phrases nominales dans les langues non indo-européennes comme le japonais, le hongrois ou l’arabe. Une périphrase est parfois nécessaire en français là où seuls trois mots décrivent une situation ou une émotion dans une autre langue, il ne faut jamais hésiter à développer !

Qu’est-ce qui est intraduisible ?

Les jeux de mots bien sûr, à moins d’en faire un dans la même phrase sur un autre mot ou, comme je l’ai fait une fois, dans la phrase d’après où c’était possible, histoire qu’il y en ait un dans le passage. Les termes qui se réfèrent à des objets ou des coutumes qui n’existent que dans le pays où est parlée la langue. Dans ce cas, deux solutions : soit traduire par un terme qui décrit une réalité ou un objet à peu près équivalent, soit laisser le mot dans la langue d’origine, avec une explication dans le texte ou en note. Parfois, le contexte aide à comprendre, les notes alourdissent le texte.

Mais dans aucun cas on ne peut dire que le traducteur est un traître, s’il traduit, c’est parce qu’il a aimé le texte, ou qu’il aime la littérature dans cette langue et qu’il veut partager son émerveillement avec tous ! Traduire n’est pas seulement lire un texte, mais pénétrer la pensée et l’imagination de son auteur pour utiliser les meilleurs outils afin de les offrir aux lecteurs qui ne parlent pas sa langue. Le traducteur est un passeur, il permet de traverser d’une rive linguistique à une autre.

Poursuivre le débat et en savoir plus :

Le Printemps de la traduction propose une soirée avec Tiphaine Samoyault à la Maison de la Poésie à Paris le mercredi 25 mai, renseignements en cliquant ici et, pour avoir tout le programme de la manifestation qui a lieu du 25 au 29 mai, consultez le le site d’Atlas, l’association pour la promotion de la Traduction littéraire.

Des questions ? Je suis disponible pour y répondre et, si vous tapez mon nom dans la barre de recherche Google, vous serez redirigé vers les sites qui parlent des livres que j’ai traduits…

Category: Littérature
Tags: auteurs, langue, littérature, style, texte, traducteur, traduire
21 avril 2015 21 h 00 min
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La langue arabe : le point de vue du prof

L’invité de Domi : Tarek Abouelgamal, le prof d’arabe

Tarek est doctorant à la Sorbonne, et fait des recherches sur l’enseignement de l’égyptien en France. Il écrit donc beaucoup de choses sur le sujet, alors qu’écrire ici ? Ce qu’il ne peut exprimer dans un cadre universitaire, ses sentiments pour cette langue. Voyons plutôt :

Pourquoi j’aime la langue arabe ?

1. Elle est musicale : ai-je encore besoin de dire que celui qui n’a pas lu la poésie arabe (préislamique, omeyyade, abbasside, andalouse, moderne ou dialectale) rate absolument quelque chose de magistral ? Lorsqu’on lit la poésie arabe classique, on se pose souvent la même question : Ai-je vraiment lu de la poésie auparavant ?! Bref, si ces Arabes du désert qui vivaient au Vème siècle ont excellé en quelque chose ce sera, sans aucun doute, en poésie. Mais attention ! pour se rendre compte de sa musicalité, il ne suffit pas d’en lire la traduction… il faut l’écouter en arabe, même si l’on n’y comprend rien. Et j’ajoute que ma préférence va naturellement à la poésie préislamique, source de finesse, de beauté, de puissance d’émotion… Cette fierté entre tribus guerrières, si chère à l’Arabe… Regardons cela par exemple :

A l’aiguade, c’est l’eau pure que nous buvons,
L’eau trouble et boueuse aux autres laissons !

La terre est devenue trop étroite pour nous, tant nous l’avons emplie
Et la surface des flots, nous l’emplirons de nos vaisseaux !

Dès qu’un de nos garçons a l’âge d’être sevré
Les puissants devant lui tombent prosternés

Traduction de Heidi Toelle

Alors que c’est beau (très beau en arabe), on le croit quand même brut ce petit Bédouin…

2. Elle est riche : Une langue qui vient de loin. De très loin. Au moins 15 siècles d’histoire attestée, sans grandes réformes, sans grande mutation. Rien que l’évolution normale de la langue. L’arabe, c’est une richesse historique mais aussi géographique qui nous donne tous les dialectes arabes d’aujourd’hui. De l’Irak jusqu’au Maroc en passant par l’Egypte, la Palestine… Et même à Malte on parle arabe (mais il ne faut pas le leur dire 🙂 ).
L’arabe est également une langue européenne, la seule langue non-européenne qui ait vécu autant de temps sur le Vieux Continent au point même d’être la langue officielle de l’immense majorité du sud de l’Europe pendant plusieurs siècles. C’est depuis François 1er que l’on enseigne l’arabe en France et c’est aujourd’hui la deuxième langue la plus parlée de France. Mais pour se rendre compte de la richesse de cette langue, il faudra lire des milliers de pages et visiter plusieurs fois différents pays/régions du Monde Arabe.

3. Elle est logique : Personnellement je trouve que cette langue est logique (chaque langue a sa logique bien évidemment) mais l’arabe étant basé sur une idée qui joue le rôle de fil conducteur, il bénéficie d’une logique particulière. L’idée n’est familière qu’à ceux qui ont au moins abordé l’arabe. Il s’agit de l’idée de racine – 3, 4 et parfois 5 (mais souvent 3) lettres qui expriment une idée. Ces lettres garderont le même ordre pour exprimer les différentes formes morphologiques de la langue. Par exemple la racine KTB (écrire) nous donnera des mots comme KaTaB (il a écrit), yaKTuB (il écrit), maKTaB (le bureau), maKTaBa (librairie, bibliothèque), KiTaB (le livre)… et le fameux maKTuB que l’on traduit par « destin » mais qui signifie en arabe « ce que Dieu nous a écrit ».
Toute la morphologie de la langue arabe est donc organisée de cette manière et les lettres ajoutées à la racine suivront la même logique, selon leur ordre et leur place on pourra deviner le sens du mot si l’on en connaît la racine.

4. Elle est multidimensionnelle : Il s’agit là d’un combat personnel. L’arabe de nos jours est cantonné à une langue de musulmans… une langue d’immigrés. Bref… je ne vous apprends rien en disant que l’arabe n’a pas bonne presse !
Pourtant cette langue, en plus de son héritage culturel immense, joue encore un rôle très important dans notre monde actuel. L’arabe n’est pas seulement la langue qui a permis à l’Europe qui venait de sortir du Moyen-Âge de comprendre ce qu’Aristote écrivait en traduisant Averroès. Ce n’est pas seulement la langue qui a permis à ces mêmes Européens de se former en médecine à travers les traductions d’Avicenne. Ce n’est pas seulement la langue par laquelle l’Occident a appris ce que le chiffre zéro ou l’alcool (en tant que médicament) voulaient dire. C’est aussi en 2015 la langue d’une jeunesse « connectée » et « branchée », une jeunesse qui parle plusieurs langues européennes mais qui est toujours contente de savoir qu’un Européen peut faire l’effort d’apprendre sa langue et ainsi de faire un pas vers elle. C’est la langue d’une jeunesse insatisfaite de son présent et très ambitieuse pour son avenir.

L’arabe est une langue d’affaires aussi. Non seulement les pays les plus riches, comme les Pays du Golfe, mais aussi le Maghreb et l’Egypte, attirent de plus en plus les investisseurs étrangers avec un taux d’expatriation vers les pays arabes qui ne cesse d’augmenter.

Oh ! Si j’écris plus que cela je vais démotiver les lecteurs et pourtant je sens que je n’ai rien dit ! (tu pourras revenir, Tarek, tu es chez toi ici – Domi)

PS : Je veux rendre hommage aux 21 Egyptiens tués par l’ignorance. Ces 21 qui ont un parcours très simple mais très noble à mon avis. Quitter son pays et sa famille pour chercher du travail au milieu du chaos libyen est en soi un acte de courage. Ils étaient tous issus de la ville de Minya, la ville la plus pauvre de l’Egypte. Ils voulaient envoyer de l’argent pour leur famille et surtout pouvoir envoyer leurs enfants à l’école pour qu’ils puissent aller plus loin dans l’éducation que leurs parents. Ils ont été décapités. Contrairement à beaucoup d’autres victimes de l’ignorance, ces 21 n’ont pas bénéficié des hommages dans les tribunes les plus prestigieuses, pourtant leur combat était, à mes yeux, plus noble que beaucoup d’autres combats. Courage à leurs familles, courage à 90 millions d’Egyptiens qui se sont senti atteints par cet acte odieux.

Merci Tarek !

Category: Mes cours d'arabe
Tags: arabe, Egypte, Europe, langue, logique, Monde Arabe, morphologie, racine
26 janvier 2015 22 h 12 min
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Ma langue, ta langue, notre langue

Ma langue

A la naissance, chacun de nous entend parler une langue, la langue maternelle (ah bon, ton père ne te parle pas ? Il faut croire que non… c’est ta mère qui s’occupe de toi…). Cette langue, nous apprenons à la parler à notre tour, en comprenant qu’elle est utile pour communiquer avec les autres. Puis à l’école, nous la développons, avec l’acquisition d’un vocabulaire toujours plus large, de façon à exprimer les moindres nuances de notre pensée et de nos émotions. Nous en apprenons également les différents niveaux : soutenu, neutre, familier, voire populaire ou argotique. En la pratiquant, nous comprenons à quel niveau nous pouvons échanger avec nos différents interlocuteurs – les parents et les personnes plus âgées, les instituteurs, les copains, etc. Un corpus linguistique se forme, en soutien d’une culture spécifique. En l’occurrence, en France, on apprend la culture française. Un exemple simple ? Acheter le pain. Ailleurs en Europe, il se vend en miche, au kilo, ici c’est le pain, la baguette, le bâtard, la ficelle, qui représentent certes un poids déterminé, mais il faut savoir qu’on ne demande pas une livre de pain à la boulangerie. Et j’ai pris un exemple simple à dessein.

Ta langue

Je parle une langue et je te rencontre. Tu viens d’ailleurs. Tu ne parles pas ma langue et je ne parle pas la tienne. Nous parlons, mais nous ne nous comprenons pas. Quelle tristesse ! Alors je veux te tendre la main : j’apprends ta langue. Je fais l’effort de prononcer des sons qui me sont étrangers. Je mémorise une grammaire différente de la mienne où la syntaxe aussi est bouleversée. Petit à petit, je maîtrise des concepts abstraits et affine ma pensée dans cet univers différent, où la langue reflète une culture autre. J’apprends des codes nouveaux. Un exemple simple ? En japonais, il y a le langage masculin et le langage féminin, pas question pour la femme que je suis d’employer certains pronoms ou certaines désinences verbales réservées aux hommes. Ce faisant, je découvre un monde organisé selon d’autres lois, une culture qui ne ressemble pas du tout à la mienne. Je m’ouvre et mon horizon s’élargit. Cela me permet aussi de ne plus juger l’étranger car je le comprends. Et pas besoin de traduction pour avoir accès à une littérature étrangère qui décrit un univers dans lequel je voyage à loisir ! De ce fait, je porte également un regard différent sur ma propre langue car je la compare à l’autre, aux autres que j’apprends. Je vois mieux ses lacunes et ses richesses, je l’utilise de façon plus avisée car je suis consciente des outils qu’elle me propose.

Notre langue

De ton côté, tu viens vers moi en ayant appris ma langue. Nous parlons une langue commune car tu as voulu me tendre la main. C’est toi qui as fait l’effort d’apprendre ma grammaire, ma syntaxe, mes références culturelles. J’apprécie le cadeau, l’effort. Le français vient du latin, ta langue maternelle est peut-être slave, sémite, anglo-saxonne… D’Europe du Nord, de l’Est, du pourtour méditerranéen, d’Asie, d’Amérique, d’Afrique, tu viens chez moi et tu me parles de façon à ce que je te comprenne sans effort. Ainsi, c’est ton horizon qui s’est élargi et ton esprit qui s’est enrichi. Tu peux lire les auteurs français sans traduction et comprendre le monde dans lequel je vis. Cela facilite nos relations car tu me comprends.

Conclusion

Apprenant l’arabe, je m’ouvre à une aire géolinguistique nouvelle et riche. Je tends la main à une culture radicalement différente de la mienne pour la pénétrer de l’intérieur et en comprendre les codes. Je vois la beauté de cette langue ancienne qui n’a rien à envier aux langues indo-européennes. Je découvre en direct une philosophie subtile, une poésie raffinée, une expression littéraire variée. En peu de temps, j’ai pu démonter tous les clichés sur les peuples arabes. N’est-ce pas là l’une des solutions à un « vivre ensemble » pacifique ?

Category: Mes cours d'arabe
Tags: apprendre, culture, langue
20 mai 2014 22 h 26 min
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Etre bilingue

Juste parler deux langues ?

A la naissance, un bébé est capable de distinguer et répéter tous les sons qui existent dans toutes les langues humaines. Puis, à force de n’en entendre que certains, il va sélectionner sa phonétique et apprendre la langue parlée autour de lui.

Autour de moi on parlait hongrois. Mes grands-parents sont arrivés en France à 67 et 64 ans, ils ont juste appris des phrases simples, des mots pour la vie quotidienne. Ce sont eux qui me gardaient pendant que mes parents travaillaient. Mes parents quant à eux étaient en France depuis 10 ans quand je suis née, ils parlaient bien le français mais avec des fautes. Il était évident pour eux de s’adresser à ma soeur et à moi en hongrois pour éviter de nous apprendre leurs erreurs.

Un beau jour, paraît-il, lors d’une promenade avec ma grand-mère, j’ai voulu communiquer avec un enfant de mon âge. On ne s’est pas compris, j’ai fondu en larmes. Une voisine a dit à mes parents qu’elle allait m’apprendre le français. C’était avant l’entrée en maternelle. Un beau jour, voilà : »Domi parle français ! », a dit la voisine.

J’entre à l’école française, je suis bilingue.

Pas si simple !

A la maison, je parle hongrois. A l’extérieur, je parle français. Je crois que j’imite spontanément mon interlocuteur et fais ainsi la différence, mais au fond, je ne sais pas du tout par quel mécanisme je réalise ce tour…

Une division s’opère vite en moi : les mots qui recouvrent une réalité quotidienne familiale ne me viennent qu’en hongrois, les mots de l’école, de plus en plus nombreux, en français.

Alors, peut-on encore dire que le hongrois est ma langue maternelle, avec son pauvre vocabulaire qui s’enrichit au ralenti ? Le véritable apprentissage excitant se produit à l’école, avec tous ces mots et expressions dans les poèmes et les extraits de roman. J’adore lire et Maman m’y encourage car elle aussi, elle a la littérature pour passion. A l’âge où mes cousins commencent à lire et à écrire en hongrois, moi je ne fais que parler. Pour dire quoi ? Ce que j’ai envie de manger, comment je me sens, des choses basiques. Heureusement, je vais apprendre à lire et à écrire avec ma grand-mère et un ouvrage édité par l’Association Mondiale des Hongrois et qui nous est destiné, à nous les enfants de l’émigration.

A 10 ans, je fais un séjour dans un camp d’été pour les enfants au bord du lac Balaton. Je reviens en ayant appris quelques gros mots, des chansons communistes et des jeux hongrois. Mon vocabulaire stagne en réalité, alors qu’en français je le développe avec délectation. En plus, le « r » français prédomine, je ne roule plus les « r » en hongrois, quel vilain accent ! J’emploie les déclinaisons comme je peux, ne les ayant jamais apprises. Timide, je parle peu en compagnie, même en français, là du coup ça m’arrange bien.

Je me sens maladroite, étrangère partout : en France, j’ai une famille qui vient d’ailleurs et n’a pas les mêmes habitudes ; en Hongrie, je parle avec des fautes et un accent, je n’ai pas tout à fait la même culture car je vis en Europe de l’Ouest. Où me situer ?

A l’entrée au collège, je choisis l’anglais, toute la famille étant germanophone. Ce sera mon territoire linguistique à moi. Le passage d’une langue à l’autre m’étant aisé, je progresse vite et je deviens carrément anglophile.

Mais cela ne résout pas le problème. Suis-je « moitié hongroise », « moitié française » ? Coupée en deux ?

Vers une cohabitation harmonieuse

Mes origines m’ont façonnée. Elles n’appartiennent qu’à moi. Mon apprentissage, mes lectures, mes passions, ont fait que je suis devenue ce que je suis maintenant. Pourquoi alors ne pourrais-je pas dire que j’ai deux langues maternelles ? Je passe de l’une à l’autre comme je veux et puis tiens, si j’en faisais mon métier ?

Devenir traductrice littéraire de hongrois, faire découvrir la culture du pays de mes parents au pays qui les a accueillis. Partager des textes qui m’ont fait vibrer mais qui sont indéchiffrables à mes amis et plus largement, au public français. Montrer que ce petit pays donne naissance à de grands écrivains, les faire aimer en France dont la littérature est mondialement connue. Puis me faire l’interprète de ces écrivains qui viennent en France parler de leurs oeuvres traduites. N’est-ce pas là une belle idée ?

Je ne cherche plus à me fixer d’un côté ou de l’autre mais, habitant sur chaque rive du fleuve, je prends souvent le bac pour le traverser et profiter des rencontres qui m’y attendent.

Category: Hongrie
Tags: bilingue, langue, parler, vocabulaire
Réalisé par Stéphane Roche • http://www.stephane-roche.fr