Ma famille vient d’ailleurs

Chez moi, tout le monde est hongrois. Comme mes grands-parents sont arrivés en France deux ans avant ma naissance, ce sont eux qui m’ont gardée pendant que mes parents travaillaient. J’ai donc parlé hongrois d’abord. On raconte que j’ai voulu échanger avec un petit garçon dans la rue (déjà, la coquine !) et que, forcément, nous ne nous sommes pas compris, alors j’ai fondu en larmes. Une voisine a décidé de m’apprendre le français, et un beau jour : « Ça y est ! Domi parle français ! »

Dès lors, deux mondes se côtoient : à la maison, hongrois. A l’extérieur de la maison : français.

Chez nous tout est différent

A commencer par la nourriture. Ma grand-mère essaie de faire la cuisine « comme là-bas ». Il y a un épicier hongrois dans le Marais à Paris qui vend des saucisses au paprika, du salami, du boudin hongrois, etc. Quand nous allons chez lui, je dis bonjour en hongrois avec ma voix chantante de petite fille, il craque et me donne du salami avec un morceau de cornichon à la hongroise, trop bien ! Quand mes amies me demandent à l’école ce que j’ai dîné la veille, je dois me lancer dans des grandes explications, les noms des plats ne leur disent rien…

Et aujourd’hui encore, si tu veux me faire plaisir, fais-moi un pavé béarnaise bien saignant avec des frites maison, du camembert avec de la baguette craquante et du beurre, une mousse au chocolat, la quintessence du « repas français » inconnu à la maison et tellement bon ! Et maintenant tu peux rajouter un petit Côtes du Rhône sympa…

Nous sommes catholiques, mais chez nous le Père Noël correspond à St Nicolas qui vient le 6 décembre, et c’est le Petit Jésus – Jézuska – qui apporte les cadeaux le 24 décembre en fin d’après-midi. Nous décorons le sapin ce jour-là, avec des bonbons aussi, et chantons des cantiques traditionnels. Le lendemain, nous allons assister à la messe à l’église de la Mission catholique hongroise à République. A Pâques aussi, nous mangeons d’une certaine façon à partir du Jeudi Saint, nous nous abstenons de viande le Vendredi Saint et mangeons le « jambon de Pâques », jambon fumé cuit avec des oeufs durs le Samedi Saint.

Aux vacances scolaires, nous partons juste entre nous, contrairement à mes petits camarades qui retrouvent leurs cousins… Moi je ferai leur connaissance seulement à l’âge de 7 ans, et ne les verrai pas souvent, cela me rend triste et envieuse…

Du coup, j’ai envie d’en savoir plus sur le pays d’origine de mes parents et de mes grands-parents, je pose des questions, on me raconte…

Les documents

Il se trouve qu’en Hongrie, comme dans différents pays où les fascistes ont pris le pouvoir pendant la guerre, il a fallu prouver jusqu’à 5 générations qu’il n’y avait pas de juifs dans la famille. Oui c’est horrible, mais ces documents ont été conservés et ils servent aujourd’hui pour des recherches généalogiques : certificats de mariage et de baptême de l’église catholique, ils portent les noms des parents des mariés ou de l’enfant baptisé, leur adresse, le lieu et l’année de naissance de l’enfant, l’adresse des fiancés et le lieu de leur mariage.

Ma grand-mère avait des documents étonnants réunis dans une boîte dont je parlerai une autre fois. C’est ma mère qui les conserve, mais je les ai scannés et examinés en détails. J’ai commencé très jeune à m’intéresser aux histoires qu’ils racontent. Alors, l’une des fois où j’étais chez mon oncle, le frère de mon père, je lui ai demandé s’il avait l’équivalent. Il m’a tout sorti et j’ai pris des notes. A l’époque, il n’y avait que moi qui m’y intéressais. Mais cela a changé. J’ai désormais une aide précieuse.

Un projet de recherche

Ma cousine – nos pères étaient frères – a un an de plus que moi, quatre enfants et cinq petits-enfants. Elle a commencé il y a peu à réfléchir à l’histoire familiale. Il faut dire que de ce côté de la famille, nous avons une mémoire phénoménale. Son père et le mien aimaient raconter des anecdotes sur leur enfance et leur jeunesse, dont nous nous souvenons, et nous avons nos propres souvenirs. Elle a commencé à les rédiger pour les transmettre à ses descendants et s’intéresse du coup à notre généalogie. Nous avions déjà confronté nos connaissances au moment où son père lui a confié une caisse de photos et de documents. Je lui ai interdit d’y toucher avant que je ne sois là avec elle. Et nous avons passé une après-midi à tout éplucher. Fous rires et émotions ! Nous avons tout noté, tout scanné, et les plus jeunes peuvent nous demander ce qu’elles veulent, nous avons les réponses. Jusqu’à quatre générations et la ville de Mohács, dans le sud de la Hongrie. Pourquoi ne pas remonter plus loin ? Allez, c’est dit, nous allons descendre dans le sud et consulter ensemble les archives à Pécs, la capitale régionale. Tout est sur microfilm, nous avons pris rendez-vous, nous sommes lancées !

On en reparle à mon retour !

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