Je ne vais pas vous ennuyer ce soir avec un historique de la littérature japonaise (même si, un jour, je parlerai ici d’autre chose que de poésie), mais juste vous parler d’un poète que j’aime beaucoup et que je vous encourage à lire : Buson et de son recueil publié chez Moundarren, Le parfum de la Lune. Si la poésie chinoise et japonaise vous intéresse, je vous recommande d’ailleurs cette maison d’édition.

Buson, le parfum de la lune

Né dans un petit village en 1716, Buson part à Edo (Tokyo) à l’âge de vingt ans et devient le disciple de Soa qui en a soixante et a été le disciple des disciples les plus connus de Bashô. En effet, les poètes en herbe se regroupent autour de maîtres et apprennent leur art auprès d’eux. Puis Buson voyage, reprenant entre autres le chemin d’Oku dans le Nord, là où Bashô a composé son célèbre La sente étroite du bout du monde dont le titre a changé je crois mais c’est toujours d’un sentier étroit dans le nord dont il s’agit. Au Japon, copier est un honneur et imiter est un art. Les poètes se rendant à des endroits fréquentés par d’autres qui y ont écrit un poème se doivent d’en écrire également un dans lequel ils citent un mot ou un morceau de vers de l’illustre prédécesseur en hommage. Buson fera mieux, car à l’issue de ses pérégrinations, s’installant à Kyoto cette fois, il rencontre des peintres et s’initie à cet art. Il illustre alors l’oeuvre de Bashô, dont un exemple figure dans le recueil de poèmes que je viens de lire :

Illustration de Buson

 

Il en sera ainsi jusqu’à sa mort : il écrit des recueils de poèmes, publie des albums de peinture. De jeunes poètes se sont joints à lui car il a accepté de créer son école. Bashô restera son grand maître mais plus tard, faisant revivre le haiku que l’on disait défunt à la fin du dix-neuvième siècle, Masaoka Shiki contribuera à faire apprécier de nouveau Buson et à le faire reconnaître comme l’un des grands maîtres du haiku, comme je l’indiquais dans mon article sur les pivoines ici, où je citais un poème de Buson d’ailleurs.

Dans ce recueil, les poèmes sont classés par saison, comme c’était souvent le cas dans les anthologies poétiques, depuis les tout débuts du waka. La saison est parfois citée, mais parfois c’est une fleur, une allusion à la météo – brise au printemps, bise et neige en hiver par exemple. L’éditeur a choisi de nous offrir deux poèmes par page, avec la version japonaise. C’est très agréable à lire, comme le montrent ces deux exemples : printemps avec la pivoine et automne avec le chrysanthème :

Buson la pivoineBuson, l'automne

Que de raffinement ! Trois vers, et l’expression d’un sentiment, la description d’une atmosphère à travers celle d’un objet… On a souvent associé haiku et bouddhisme zen car le poème évoque l’impermanence des choses et exprime un phénomène fulgurant renvoyant au Vide de la « Réalité telle qu’elle est ». C’est en tout cas un genre littéraire encore très prisé aujourd’hui au Japon et qui a de nombreux amateurs en Occident. Je n’en ai écrit que trois moi-même mais je les aime bien. Bon d’accord, je vous en offre un, mais ne vous moquez pas, promis ?!

Sur l’étal du marchand
La chair verte d’un avocat pelé
Mon coeur à vif

Je vous renvoie aux anthologies traduites pour goûter au vrai style, et aussi aux auteurs traduits, chez Moundarren notamment (bon, ils ont choisi celui de Shiki intitulé Le mangeur de kakis qui aime les haikus, sans doute pour attirer le lecteur, mais c’est un beau recueil).

Bonne lecture !