Une refondation de l’Europe – 1814-1815

C’est le sous-titre du livre et je l’approuve tellement que je le mets également en sous-titre ! Depuis le temps que je dis à qui veut m’entendre l’importance du Congrès du Vienne encore à l’heure actuelle, ça m’a fait plaisir de lire tout un ouvrage sur le sujet ! Et quel ouvrage ! C’est un peu « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Congrès de Vienne sans jamais oser le demander ». Thierry Lentz est le directeur de la Fondation Napoléon que je vous indique en lien. Féru de l’Empereur depuis son enfance, l’auteur a écrit de nombreux ouvrages sur la période, dont celui-ci :

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D’origine hongroise, donc marquée par le Traité de Trianon du 4 juin 1920 qui a redessiné toutes les frontières de l’est du continent européen et attentive à ce qui est arrivé après la chute du Mur de Berlin en 1989 et l’effondrement de l’Union soviétique, j’ai toujours pensé que le Congrès de Vienne a été la première occasion de négocier les frontières du continent. Avec la fin de l’Empire, les grandes puissances ont passé plus d’un an à se partager les restes des possessions françaises. Le concept d’état-nation n’existant pas encore, ce sont les souverains et/ou leurs représentants diplomatiques qui ont discuté sans relâche dans diverses commissions.

Thierry Lentz explique tout cela en détail dans son livre et c’est un vrai bonheur ! Deuxième impression en le lisant : « Le Congrès de Vienne comme si vous y étiez ». La France a envoyé Talleyrand pour représenter Louis XVIII, il se trouve face à Metternich, toujours là malgré tout, malgré Kaunitz… A la table des négociations, chacun veut sa part : Alexandre 1er pour la Russie avec le rusé Nesselrode, François 1er pour l’Autriche avec l’astucieux Metternich, Frédéric-Guillaume III pour la Prusse avec le chancelier d’état Hardenberg… Tous les Allemands sont là – Wurtemberg, Bavière, Bade… mais aussi les Espagnols, les Portugais, les Italiens, les Néerlandais, les Belges et Luxembourgeois, les Suédois, la délégation britannique avec Castlereagh à sa tête et Wellington qui quittera le Congrès pour aller à Waterloo… Car oui, on essaie par tous les moyens d’éliminer les « Napoléonides », d’ailleurs Murat, roi de Naples, va résister à ce mauvais sort avant de se compromettre avec Napoléon qui choisit mal à propos ce moment pour s’enfuir de l’île d’Elbe : tous ses ennemis sont réunis pour décider d’une action commune !

L’ambiance est décrite avec minutie, des anecdotes nous expliquent qui pensait quoi de qui à quel moment, en public et en privé. Thierry Lentz nous raconte aussi les coulisses du Congrès : intrigues amoureuses, espionnage, bals et réceptions… J’ai appris que l’Impératrice Marie-Louise, deuxième femme de Napoléon, était devenue la maîtresse d’un homme d’état autrichien en repartant chez ses parents en Autriche avec l’Aiglon qui est d’ailleurs mort à Schönbrunn.

Les annexes sont également impressionnantes : un appareillage de notes qui citent toutes les sources de l’auteur, un index des noms propres, les noms de tous les participants, des extraits de l’Acte final, une bibliographie très complète et une chronologie des événements.

Pour finir (et pour me donner raison), l’auteur explique que les vainqueurs de 1918 ont réexaminé le Congrès de Vienne avant de réfléchir à un autre redécoupage de l’Europe. Pour comprendre notre continent à l’heure actuelle, il me semble évident de retourner à ces deux moments clé de son histoire.

Pour résumer, voici ce que dit l’auteur dans cet ouvrage :
Petit à petit, parfois dans la douleur, le congrès de Vienne tenta de réorganiser l’Europe, ses dynasties, ses frontières, la distribution de ses peuples, les rapports entre les puissances, les zones d’influence des unes, les orbites des autres, les pratiques devant irriguer les relations internationales, la légitimité des gouvernements, les principes du commerce fluvial et maritime, l’abolition de la traite, le droit diplomatique. Comme souvent, sur tous ces sujets, les diplomates enregistraient leurs points de convergence, avant de débattre avec ardeur de ce qui les divisait. C’est ainsi que, de compromis en compromis, de menace en recul, de fausse sortie en retour autour du tapis vert, la plus complexe négociation internationale de tous les temps produisait des accords que la Commission de rédaction mettait en forme pour tisser la tapisserie de l’Acte final.

200 ans plus tard, tout cela se passe dans un Parlement avec des députés élus par le peuple européen, mais est-ce bien différent ?