Une légende, rien de moins !

Née Eleonora Fagan à Philadelphie en 1915, Billie Holiday a suivi sa mère à Baltimore puis New York. Elle échappe à une tentative de viol, quitte l’école à 11 ans, se prostitue à 14 ans quand sa mère le fait aussi … La vie des jeunes Noires pauvres dans l’entre-deux-guerres aux Etats-Unis est très dure. Mais Billie chante, d’abord dans des petits clubs sans prétention de Harlem, puis avec Lester Young à partir de 1936. Elle a choisi son prénom d’après le nom d’une actrice célèbre à son époque, Billie Dove et son nom de famille, épelé Halliday d’abord, serait celui de son père biologique. Elle est remarquée dans les années 30 et chante avec l’orchestre de Count Basie, puis celui d’Artie Show, l’une des premières chanteuses noires à chanter dans un orchestre de blancs, ce qui n’est pas rien ! Signant un contrat avec une maison de disques, elle enregistre dans ces années-là, et jusqu’en 1942, des chansons qui font partie des classiques du jazz. Lester Young la surnomme Lady Day et devient l’un de ses accompagnateurs les plus fidèles. Elle enregistrera des dizaines de disques par la suite, chez Columbia puis Verve.

Au début, sa voix est plutôt claire, avec un phrasé traînant qui la caractérise, mais son addiction à l’héroïne et à l’alcool lui donne une qualité rocailleuse très émouvante. Plutôt que de tenir une note élevée, elle fait rouler la syllabe portée par elle dans sa gorge, ce qui donne au blues une nuance essoufflée de femme au bout du rouleau qui nous sort ses tripes et nous montre son coeur blessé. Car blessé, il l’a été, son coeur, et peu de vrais amis l’ont entourée, peu d’hommes l’ont respectée. Ses démêlés avec la justice, comme on dit, la laissent seule, et elle meurt épuisée à l’hôpital en 1959, laissant des enregistrements remarquables toujours populaires et aimés aujourd’hui.

Elle a tout compris à l’amour

Tu es seule et tu rêves à l’homme que tu vas rencontrer ? Elle a une chanson pour ça : « The man I love » (il va venir peut-être dimanche, peut-être lundi, peut-être maintenant) ; tu viens de rencontrer quelqu’un et tu es très amoureuse ? « Too marvelous for words » (j’emprunte une chanson d’amour aux oiseaux car il n’y a pas de mots pour dire comme tu es merveilleux) ; ton homme te trompe ? « Don’t explain » (tais-toi à présent, n’explique pas… tu rentres tard, du rouge à lèvres sur ton col) ; l’amour est compliqué ? « Love me or leave me » (tu m’aimes ou tu me quittes, je ne veux pas d’un amour que j’emprunte, l’avoir aujourd’hui et le rendre demain) ; ton homme t’a quittée ? « Travelin’ light » (je voyage léger parce que mon homme est parti) ; tu as le coeur brisé ? « Good morning heartache » (bonjour peine de coeur, je t’ai dit bonne nuit hier soir et je te retrouve ce matin). Les exemples se multiplient, je ne peux pas tout citer.

Et le reste…

Dans son autobiographie, aussi le titre de l’une de ses chansons, Lady sings the blues, elle parle de ses difficultés à exister en tant que chanteuse noire dans un monde de blancs, de sa tournée dans le Sud où elle ne pouvait pas descendre dans les mêmes hôtels que les autres membres de l’orchestre, et puis il y a cette ballade remarquable écrite par un poète juif, Abel Meeropol, qui parle du lynchage des Noirs suspendus aux arbres du Sud. Ce sera Strange fruit, un blues poignant. Billie est une femme généreuse et pleine d’amour qui a vécu des épreuves terribles. Ses chansons en sont un poignant témoignage.

Mais en ce soir d’hiver pluvieux pour certains, glacé pour d’autres, je choisis une chanson très jazzy pour illustrer cet article :

Pour plein de renseignements en plus, son site officiel si vous cliquez ici et bien sûr, toutes vos plateformes musicales habituelles pour vous gaver de ses chansons. En ce qui me concerne, pas un jour ne passe sans que je n’en fredonne une !