Un New-Yorkais qui swingue

Membre de ce que l’on a appelé la New York School, Franck O’Hara (1926-1966) écrit la ville, décrit ses scènes sur le vif, restitue son rythme trépidant avec joie, humour et un grand talent pour associer des images de façon inhabituelle. Décédé à la suite de ses blessures, écrasé par une voiture de nuit sur une plage de Fire Island, il reste dans l’histoire de la littérature américaine comme un poète sympa et chaleureux pour qui la poésie est le travail d’un instant. Il écrivait au milieu de la foule, au cours d’un vernissage (il était l’un des conservateurs du MOMA à New York), dans son bureau ou pendant sa pause déjeuner, d’où sa collection de poèmes la plus célèbre, Poèmes déjeuner où figurent des textes écrits entre 1953 et 1964, récemment rééditée par City Lights Books – c’est le numéro 19 de la collection The Pocket Poets Series – à San Francisco, qui fêtait récemment ses 60 ans (voir mon article sur le sujet) :

Lunch Poems F O'Hara

 

 

 

Et en français aux Editions Joca Seria, traduit par Olivier Brossard et Ron Padgett:

 

 

 

poèmes déjeuner

 

 

Il boit un verre de jus de papaye et retourne au boulot, des poèmes de Pierre Reverdy dans la poche, après une promenade il revient sur ses pas, achète des cigarettes et tombe sur la photo de Billie Holiday dans le New York Times, la chanteuse vient de mourir, il en est bouleversé, il apprend que Lana Turner s’est évanouie, il remonte Park Lane, c’est l’automne, une autre fois il grêle, Madison Avenue, nous sommes en avril, non, mai, Manhattan, une soupe et on repart bosser, le Seagram Building, la ville bouge tout autour, rencontre avec Kenneth Koch (poète de la même école), du poisson avec l’ami LeRoi Jones, Williamsburg Bridge, 16 cents et des yaourts pour seul déjeuner tel autre jour… On pense au jazz, autre écriture syncopée. Toujours personnels, les poèmes évoquent des souvenirs de voyage, des lectures – O’Hara aimait Rimbaud, Mallarmé, Maïakovski à qui il a dédié un poème (lu par Don Draper dans la série Mad Men, c’est dire si c’est culte !), de la musique car il jouait du piano et pouvait soudain dans un salon surprendre par du Rachmaninov chez quelqu’un qui ignorait ce talent…

Egalement traduit en français par les mêmes et publié chez le même éditeur, Méditations dans l’urgence où figure ce fameux poème lu par Don Draper et dont l’épisode de Mad Men porte le titre, du coup, nous fait découvrir un style qu’O’Hara a nommé le « Personnisme ». Il s’agit de parler de soi, de ce que l’on aime, mais non pas pour soi : le poète s’adresse à un autre que lui-même pour lui raconter la vie dans son immédiateté. Influencé par l’expressionnisme abstrait, le surréalisme et l’action painting, il écrit comme on note une nouvelle entrée dans son journal intime.

Je le lis en anglais, aussi je peux vous recommander son site officiel et l’anthologie de poètes new yorkais, car John Ashbery, Kenneth Koch et James Schuyler sont tout aussi passionnants :

The New York Poets an anthology

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour la VF, le site de l’éditeur Joca Seria et ce 2ème livre :

Méditations dans l'urgence F. O'Hara

 

 

 

 

 

 

 

Bonne lecture, bon voyage dans le New York des années 50 et 60, toute une époque !

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