Un spectacle époustouflant vu au 104, à Paris !

Le dialogue interculturel est à la mode, certes, mais il donne lieu parfois à un échange particulièrement fort. Ainsi, Hildegarde de Vuyst, des ballets KVS de Bruxelles, Koen Augustijnen et Rosalba Torres Guerrero, des ballets C de la B de Gand, se sont unis à l’A.M. Qattan Foundation de Ramallah pour mettre en scène onze danseurs palestiniens, cinq femmes et six hommes, dans une réinterprétation du Dabke, cette joyeuse farandole qui se danse dans toute la région au moment des mariages et des fêtes. La troupe a participé à Fréquence danse au 104 mi-avril.

Dans l’obscurité totale, on entend d’abord des frôlements, des gens que l’on ne voit pas tapent des pieds, une femme crie « Aïwa! », on lui répond en tapant trois fois dans les mains… Puis la lumière se fait, les danseurs nous tournent le dos, sautent à pieds joints, tapent d’un pied, puis des mains. L’un se retourne, ondule en rythme, puis un autre se détache du groupe. Torsions du corps, coups de hanche très orientaux, mouvements gracieux des bras, le rythme est donné. Et soudain, la musique explose, montée en boucle par Sam Serruys, composée par le Palestinien Naser Al-Faris, on dirait du Oumar Souleyman. Les danseurs sautent partout avec légèreté, rient, se rejoignent les mains sur les épaules en une file très proche du dabke traditionnel, avec une virtuosité acrobatique en plus. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai assisté à plusieurs spectacles orientaux ces derniers temps, mais j’aurais eu envie de taper des mains, personne dans le public ne le fait, alors je m’abstiens aussi, et les youyous me manquent…

Mais au-delà de cette gaieté colorée, le spectacle nous rappelle la souffrance du peuple palestinien : la musique s’arrête d’un coup et la lumière diminue comme si elle filtrait faiblement de l’extérieur, coupure de courant simulée qui fige les danseurs. Ils s’approchent les uns des autres, chuchotent, l’angoisse monte, on attend le bruit de la bombe qui va tomber c’est sûr… Puis les danseurs chantent a capella  et la danse, la vie, reprend. Dans un coin, deux femmes se tordent encore dans l’angoisse cependant. Puis la lumière et la musique reviennent, apportant de nouveau la joie. Pourtant, un homme convulse, se prend la tête dans les mains à répétition, ses nerfs lâchent, c’est ensuite une femme qui se traîne, les membres tordus comme par la torture, un homme arrive, la relève, la rejette, la force à adopter une position qui la fait souffrir, deux hommes en attrapent une autre et lui font traverser la scène couchée sur le sol, le tout entrecoupé de sauts, de tourbillons et de figures empruntées à la danse classique, la capoeira, le hip hop, et au dabke lui-même. Performance physique et psychologique des danseurs, ce spectacle en une heure nous emmène de la joie au désespoir, de l’exultation du corps à sa souffrance, et nous en ressortons galvanisés, car au final, ces danseurs nous démontrent que la vie veut vivre et que la joie est plus forte que tout.

Un extrait du spectacle ? Volontiers :