L’expo de la Philharmonie de Paris sur la musique arabe

Je n’ai pas eu le temps d’y aller, mais plusieurs personnes de mon entourage l’ont vue et ne m’ont pas fait regretter de ne pas y être allée. Mon cher ami Hersen, aka Ibn Al-Arnab, me fait l’honneur de rédiger ce compte-rendu assassin mais érudit. Nous avons attendu la fin de l’expo pour le publier :

La philharmonie de Paris consacre ses espaces d’expositions au vaste sujet qu’est la musique arabe. Qu’est-ce que la musique arabe ? Un ou plusieurs courants traditionnels issus du monde arabe ? Tous les répertoires illustrant toutes les époques ? Faut-il définir ce monde arabe avec le critère de langue ? Si tel est le cas, doit-on se limiter aux pays dont l’arabe est la langue officielle ou associer ceux dont elle est co-offcielle ? Paradoxalement, ces questions jaillissent après la visite de l’exposition alors qu’elles semblaient plus claires avant. Ne comptez pas sur la visite pour vous éclairer.

Quelques lignes de présentation insistent sur le caractère central que revêt la musique au sein des sociétés arabes. Curieusement, la commissaire ne semble pas avoir souhaité valoriser les courants   actuels qui bousculent ces sociétés bien qu’ils soient, dans certains pays, à l’origine de révolutions toujours en cours. La musique n’y est-elle pas le seul média fiable et accessible depuis l’extérieur ? Ces élans artistiques méritent peut-être un certain recul avant de les associer au sujet. Cela est à craindre car il faudrait attendre plus d’un demi-siècle au moins si l’on prend comme autre exemple la faible évocation d’un des courants les plus populaires à l’échelle internationale, le raï.

Une affiche du groupe « carte de séjour » et un clip du plus gros tube du « 133 » résument sur quelques centimètres l’influence de la musique arabe en France. Des courants et de véritables phénomènes ont pourtant fait rayonner ces cultures pendant plus de trente ans comme aucun historien ne l’aurait jamais imaginé. C’est peut-être l’éternel problème de ces expositions, enfermées dans des dogmes d’historiens, d’académiciens et de « thèseux ». Le café Barbés installé au cœur de l’exposition est à traverser avec un avertissement qui fait cruellement défaut : visitez ce lieu et imaginez son contraire pour deviner la chaleur et l’intensité des cafés dédiés de l’époque. Saluons tout de même la démarche périlleuse d’une telle reproduction, mission impossible dès lors qu’elle est conçue comme une salle d’exposition privée de toutes les réalités visuelles, sonores et gourmandes d’un vrai café.

Passons sur les échos de la rue et les nouveaux courants venus du Liban et d’Egypte, mais le parti pris historique aurait quand même pu évoquer des incontournables comme le groupe Nass El Ghiwane. Cette formation culte dans le Maroc des années 70 a fait l’objet d’un documentaire par Martin Scorsese qui les baptisa les Rolling Stones de l’Afrique. Soyons fous, les mêmes Stones auraient pu être cités dans cette exposition si l’idée de valoriser l’influence des musiques arabes dans tous les répertoires s’était associée à l’envie d’attirer un plus large public. Lors des tournées américaines, le groupe monte sur scène au son de l’Orchestre National de Barbès. Le titre « continental drift » enregistré à Tanger avec Bachir Attar regorge d’anecdotes. De belles images de ces séances combleraient le manque de surprise et d’originalité de l’exposition. L’exemple est mal choisi et volontairement provocateur pour une collection qui ne raconte rien des musiques Gnaoua au Maroc, Diwane en Algérie et Stalmbali en Tunisie. Arrivées avec les esclaves, ces musiques se sont suffisamment installées au fil des siècles dans une partie du monde arabe pour briller par leur absence dans une telle thématique.

Sans excès de zèle et pour conclure, n’attendez pas cette exposition pour découvrir la place de la femme grâce à la musique. L’affiche utilise pourtant l’effigie de la grande Oum Kalthoum, passetemps malin pour vous tenir en haleine en cherchant un peu de Oum. Un petit indice ? Quelques reproductions de ses robes de couleurs sont présentées… toute une histoire !!!

Al musiqa est une exposition ennuyeuse pour l’initié, frustrante pour le néophyte et brouillonne pour tout le monde. Elle donne au moins l’envie de… monter une exposition sur la musique arabe.

Exposition virtuelle et alternative

Les Rolling Stones à Tanger enregistrent avec les Masters of Jajuka un hommage à Brian Jones, amoureux des musiques rifaines à l’occasion des 20 ans de sa mort.

En ISRAEL, quand il ne chante pas en hébreux, Dudu Tassa reprend le répertoire de son grand père irakien en arabe. Il représente la nouvelle génération qui utilise la musique pour rêver de la paix.

Au Maroc les groupes Nass el Ghiwane et Jil Jilala sont connus pour leurs chansons contestataires. Ils marquèrent profondément le pays dans les années 70. Le réalisateur Martin Scorsese les surnomma Rolling Stones de l’Afrique.

Dans les années 70, l’Algérie de Boumediene développe une scène rock conséquente.

En Egypte Mariam Saleh, au Liban Yasmine Hamdan, en Tunisie Emel Mathlouthi … les femmes tournent dans le monde entier à l’encontre des clichés du monde arabe.

Tous ces exemples que nous citons peuvent s’écouter sur YouTube. Faites-le et vous aurez votre véritable exposition sur la musique arabe !