Un concentré de sagesse toujours d’actualité

Après en avoir lu des extraits traduits et brillamment commentés par l’éminent sinologue suisse et professeur émérite Jean-François Billeter, dont j’ai parlé dans ce blog, je me suis lancée sans filet dans les textes de Tchouang tseu eux-mêmes, traduits cette fois par Jean-François Rollin. Dans une préface très érudite, le traducteur nous parle à la fois du contexte dans lequel ont été écrits ces textes, de leur auteur, et des spécificités de la langue chinoise avec les difficultés de traduction y afférent. Un appareillage de notes, intelligemment situé en fin de volume et sans renvoi dans le texte, complète le volume. « La présente traduction a été menée dans un esprit qui tend à réviser les idées reçues sur ce qu’on appelle en Occident le Taoïsme. Plutôt que l’exégèse et la paraphrase le traducteur s’est attaché à interroger le texte lui-même.« , dit la 4ème de couverture. Prenant sa suite, nous interrogeons le texte, le méditant plutôt que le lisant simplement, marchant aux côtés du Maître sur le sentier de la Connaissance, avançant pas à pas dans une compréhension qui dépasse l’intellect. Dialogues entre maître et disciple rappellent Socrate et les philosophes grecs, puis soudain nous comprenons que ce qui nous est expliqué se situe ailleurs que dans la sphère de la pensée. Vient ensuite une petite histoire qui se termine par une question, la réalité plonge dans le Vide situé au-delà d’elle, le phénomène débouche sur une autre Réalité que la raison ne peut appréhender. On aurait envie de comparer cela aux paraboles des Evangiles, mais ce n’en sont pas, car leur enseignement n’est pas moral ou religieux. Notre esprit cartésien doit alors se débarrasser de ses modes de fonctionnement habituels, de ses repères, ou bien rester dans ses ornières et ne lire que de gentilles histoires exotiques où princes et cuisiniers discutent du vent dans les branches…

Extrait : Conseil à un jeune homme qui veut rendre visite à un prince égaré :

– Je me permets de vous demander en quoi consiste la purification du coeur, dit Yan Hui.
– Tu seras tout entier dans ce vers quoi tu tendras. Tu n’écouteras plus avec les oreilles, mais avec le coeur ; ensuite tu n’écouteras plus avec le coeur, mais avec le souffle. Car les oreilles sont arrêtées par ce qu’elles entendent comme le coeur l’est par les images qui se déposent en lui. Le souffle, c’est le vide capable de contenir les êtres et les choses. Seule la Voie réunit au vide. Le vide est le purificateur du coeur.

Tchouang tseu les tablettes intérieures

 

 

 

 

 

 

 

 

Le livre est paru en 1988 aux éditions Séguier (oui, je l’ai trouvé en occasion chez Gibert) mais se trouve sur les sites de vente en ligne.