Mon grand-père avait neuf frères et soeurs qui à leur tour ont eu un, deux ou pas d’enfants du tout. Parmi ces enfants, il y avait Livia, dite Lili et Paola, filles d’Arthur et donc cousines de Maman du côté paternel. Leur mère est morte de tuberculose et leur père, qui avait repris l’entreprise familiale de tapisserie, a épousé Róza en secondes noces, dont il a eu deux enfants. Mais lorsqu’il est mort en 1922, de tuberculose également, sa seconde épouse n’a pas voulu prendre avec elle les enfants du premier mariage de son mari. Suite à l’effondrement de l’empire austro-hongrois après le traité du 4 juin 1920 à Trianon qui a diminué la Hongrie des deux tiers, la situation était telle qu’aucun des neuf frères et soeurs n’a pu recueillir les deux petites filles. Un organisme chrétien de charité les a prises en charge et elles se sont retrouvées hébergées par deux familles hollandaises à Amsterdam. Lorsque Lili est partie, ma grand-mère, qui était sa tante par alliance, lui a dit : « Lili, si tu m’écris, je te répondrai toujours ! » Cette correspondance a duré jusqu’à la mort de ma grand-mère, en 1981. Lili a épousé un Hollandais et a fait sa vie à Amsterdam.

Quoi de plus naturel pour Maman, nommée à Paris à la légation de Hongrie, que d’aller passer quelques jours à Amsterdam chez sa cousine ? Puis, après l’émigration de mes grands-parents, Lili a accueilli ma grand-mère très régulièrement, puis nous aussi. A ma naissance, elle est devenue ma marraine, et ainsi un lien spirituel nous a unies jusqu’à sa mort. J’adorais l’écouter parler de la famille, au sein de laquelle nous nous étions retrouvées dans les années soixante-dix à Budapest, entre cousins de différentes générations !

Lili m’a beaucoup gâtée, car le destin a voulu qu’elle n’ait pas d’enfants. L’un de ses cadeaux les plus précieux est une médaille de la Vierge en émail qu’elle avait eue de sa grand-mère paternelle, mon arrière-grand-mère donc. Une médaille qui a traversé la première guerre mondiale, l’exil, la deuxième guerre mondiale (Lili et son mari avaient un grand magasin à Batavia, aux Indes néerlandaises, l’actuelle Jakarta) et le retour au pays d’adoption. Au verso de cette médaille figure une prière à la Vierge, mère de Dieu,  pour nous. Elle a sûrement protégé Lili :

Médaille de la Vierge rectomédaille de la Vierge verso

 

 

 

 

 

 

 

 

Mon arrière-grand-mère, Waller Karolina, est née le 13 juillet 1866. Elle a été baptisée le 15 (à l’époque, on baptisait vite après la naissance, des fois que l’enfant ne survive pas). Etait-ce là sa médaille de baptême ou l’a-t-elle eue plus tard ? L’histoire ne le dit pas mais moi qui la porte plus de 150 ans après sa naissance, j’ai envie de croire que Karolina me protège à travers elle…