Un coup de foudre personnel

Il y a environ trente ans, je me promenais sur le grand boulevard de Pest qui mène au Pont Ste Marguerite ( peut-être encore appelé Boulevard Lénine à l’époque) où il y avait beaucoup de magasins super moches, quand j’ai vu la vitrine très jolie de l’un d’eux. On y vendait des objets d’artisanat, broderies, objets en bois, céramiques. C’est là que j’ai vu pour la première fois des vases et des assiettes en céramique noire à décor simplement incrustés. J’ai eu le coup de foudre, ça ne coûtait rien, je m’en suis offert un :

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J’y ai mis un bouquet de pivoines rouges une fois, je ne vous dis pas l’effet ! Magnifique !

Hors le mois dernier, je me suis trouvée par hasard dans l’une des régions hongroises où l’on produit de la céramique noire. Cela a piqué ma curiosité.

Une technique très simple… Un effet très original

Certains disent que la terre utilisée est grise, donc déjà pas ocre au naturel. Moi je dis peu importe, on n’ira pas vérifier… Les pièces sont cuites pendant 10 à 12h, moment auquel on atteint 950°. Alors on rajoute du bois et on bouche toutes les aérations : il s’ensuit une fumée noire dans le four qui colore les pièces. Avant cuisson, on les frotte avec des pierres pour faire les motifs. Suite à ce frottement, la céramique reste mate et devient plus épaisse, donc plus résistante. Pour la faire briller, on trempe un chiffon dans du pétrole et on la frotte avec.

Le musée ethnographique de Mohács

Dans le musée Kanizsai Dorottya, on peut voir des masques et tenues du carnaval (classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO) bien sûr, mais aussi des textiles, des coffres, des tenues traditionnelles des serbes, souabes et slovènes de la région qui sont venus s’installer là au XVIIIème siècle. Ma cousine et moi sommes les seules visiteuses de cet après-midi ensoleillé de mars, alors deux jeunes gens charmants nous emboîtent le pas, comme si nous allions brusquement décrocher un grand coffre en bois peint , ou arracher le beau voile en dentelle d’une jeune mariée et nous enfuir avec. C’en est presque comique, mais en même temps ils répondent à nos questions avec tellement de gentillesse que nous nous réjouissons de leur présence. Nous avons appris la veille que notre arrière-arrière-grand-père fabriquait des coffres à Mohács au début de sa carrière, alors nous sommes émues d’en voir. L’un des gardiens nous indique une pièce au fond : c’est la « réserve à voir ». Bien sûr qu’on y va ! Ils entrent avec nous, nous voyons tout d’abord des rangées de coffres : et si certains d’entre eux avaient été fabriqués par notre ancêtre ? je prends des photos au hasard, ben oui je vous en montre, tiens ! Voici, admirez :

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Ensuite le jeune homme nous dit qu’il y a des céramiques à l’étage, si ça nous intéresse. Ma cousine me laisse monter l’escalier et là : ravissement ! De la céramique noire, des pièces à décors traditionnel, oh la la ! je ne sais plus où donner de la tête ! Je peux photographier ? Oui ! Et de me montrer leur pièce la plus ancienne, 1791, que je ne résiste pas à vous montrer :

P1010779Le gars doit me prendre pour une folle parce que je suis très enthousiaste. Je mitraille la collection d’un bout à l’autre et repère des pièces avec une glaçure noire. A quoi est dû ce lustre, je demande ? On me répond que c’est du graphite. « Intéressant », je fais, « mais ça ne doit pas se faire à grand feu, pas plus de 900° sans doute ?! », j’ajoute. Finalement, je n’étais pas loin, puisque, si vous avez bien suivi depuis le début, ça cuit dès le départ à 950°… Très ennuyé, il me répond qu’il ne saurait dire, il n’en sait pas plus. Je me plais à imaginer qu’il va se renseigner, pour le cas où une autre folle lui poserait la question…

J’explique pour m’excuser que je fais partie de la Société des Amis du Musée de céramique de Sèvres et que c’est mon dada. En bas, ma cousine se marre, elle a l’habitude, elle…

D’autres pièces ? Bien sûr, avec plaisir !

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