1965, Simca 1000 blanche avec galerie sur le toit

C’est la grande aventure : 1500 kilomètres à parcourir, les marks et les schillings à prévoir, Papa calcule le kilométrage entre les différentes étapes, les pleins d’essence, la nuit à l’hôtel quelque part près de Munich en Allemagne, environ à mi-chemin, et les forints pour le séjour.

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Pas de carte bleue Visa à l’époque, chaque devise est mise dans une enveloppe séparée. Pour le trajet, oeufs durs, tomates, fruits et bouteilles d’eau. Arrêts fréquents obligatoires pour laisser le radiateur refroidir !

 

 

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Arrivée à la frontière hongroise, à Hegyeshalom

Des files de voitures dans la chaleur étouffante. Les jeunes officiers des douanes ne plaisantent pas, nos passeports (français) sont longuement contrôlés, le coffre de la voiture ouvert et les questions fusent. L’ambiance ici n’est pas chaleureuse. La barrière s’ouvre au compte-goutte, même dans ce sens. Pour l’instant j’ai chaud, je somnole, je comprendrai plus tard que nous passons de l’autre côté du rideau de fer et le sens de la guerre froide m’apparaîtra en plein quand je serai plus âgée.

Au bout de deux ou trois heures d’attente, enfin nous voici en Hongrie. Je ne suis pas du tout attentive à ce que ressentent mes parents et ma grand-mère et je regarde sans intérêt ce paysage tout plat et sec, presqu’à l’abandon après les champs bien entretenus de l’Autriche. Plus d’autoroute non plus, mais d’étroites routes de campagne poussiéreuses  où nous sommes souvent ralentis par des charrettes tirées par un cheval, conduites par de vieux paysans à moitié édentés au visage tanné par le soleil. Nous mettons presqu’autant de temps à parcourir ces deux cents derniers kilomètres que les mille et quelques qui les ont précédés.

Budapest

Nous entrons à Budapest côté Pest où Papa, natif de Buda de l’autre côté du Danube, n’a jamais été en terrain très connu et nous voyons des barres d’immeubles comme chez nous, en banlieue parisienne. Première confusion pour mes aînés : c’est une ville moderne avec des bâtiments neufs après les bombardements de 1944 et 45, et des rues qui ont changé de nom. Il y a l’Avenue de la République Populaire qui croise le Boulevard Lénine juste après la place du 7 novembre (la révolution russe de 1917), là où autrefois c’était l’Avenue Andrássy qui croisait le Boulevard Teréz (hommage à Marie-Thérèse d’Autriche) après la place de l’Oktogon ainsi nommée car octogonale. Comment s’y retrouver ? Il faut désormais consulter un plan pour se déplacer dans une ville que l’on a quittée à 20 ans passés !

Mais moi, à sept ans, je m’en fiche. Tout le monde parle la langue que l’on ne parle qu’à la maison, alors c’est chez moi ici ! J’ouvre grand les oreilles pour écouter toutes les conversations à la fois… et je m’empiffre ! On m’offre tous les plats que je mange à la maison, mais en meilleur : vrai paprika, crème fraîche onctueuse, saucisse fumée inconnue chez nous, pâtisseries en tout genre, glaces délicieuses, abricots énormes dégoulinant de jus sucré et pastèques si rafraîchissantes…

Maman retrouve ses amies d’enfance qui ne savent pas quoi inventer pour nous gâter, nous passons des heures dans les grandes piscines de Budapest la ville thermale et de ses environs, nous allons au bord du lac Balaton aux eaux chaudes tellement agréables, bref, ce premier séjour est un enchantement.

je ne sais pas encore ce que le mot « racines » veut dire, je sais juste que ce pays ne sera jamais étranger pour moi.

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