Tout est « cool » ou « relou » ?!

Tu pars en vacances ? C’est cool ! Ton boss refuse tes congés ? C’est relou ! T’as trouvé un job ? C’est cool ! T’es au chômage ? C’est relou ! T’as rencontré quelqu’un ? C’est cool ! T’es tout(e) seul(e) ? C’est relou ! On se voit ce soir ? C’est cool ! T’es pas libre ce soir ? C’est relou ! Tu déménages ? C’est cool ! T’es toujours chez tes parents ? C’est relou !

Sommes-nous dans un univers binaire informatique, 01, oui-non, positif-négatif, blanc-noir ? Plus de nuances ?

Et la richesse de la langue française ?

D’accord, on élimine « chouette, génial », trop datés. Mais c’est intéressant, voire excitant de partir en vacances, admirable ou extraordinaire d’avoir un emploi, merveilleux ou charmant d’avoir rencontré l’amour, sympa de passer une soirée ensemble et c’est une aventure positive de déménager… Suivant le niveau de langue où l’on se place, c’est salaud, ou vache, ou contrariant que le chef refuse tes congés, angoissant, décourageant ou énervant, voire chiant d’être au chômage, désespérant, triste ou pénible d’être seul(e), agaçant ou désagréable que tu ne sois pas libre ce soir et nase, nul, rétrograde que tu habites toujours chez tes parents.

Il ne s’agit pas là de critiquer l’anglicisme « cool » (bien que je préfère dire que « je vais me concentrer sur les messages transmis avant la réunion du Bureau » plutôt que « je vais focuser sur les mails forwardés avant le meeting du Board ») ou le verlan « relou », mais plutôt l’étroitesse d’esprit que leur emploi à tout crin suppose. En effet, les employer pour les petites comme les grandes choses suppose que tout équivaut à tout : c’est exactement la même chose de trouver un job, un appart’ ou l’amour que de partir en vacances ou de pouvoir passer une soirée – forcément « cool » elle aussi – entre amis, comme ça a exactement le même impact sur ta vie de ne pas pouvoir partir en congés, de ne pas avoir de job, de petit(e) ami(e) ou d’appart’.

La langue véhicule la culture grâce à un système de références internes (corpus littéraire, usages, mode de vie) mais elle permet aussi de nuancer notre pensée en l’exprimant de la manière la plus fine possible. Si je dis la même chose à propos de tout, c’est que je pense la même chose sur tout, mon intelligence est limitée, mes émotions rétrécissent aussi et je ne peux plus communiquer mon enthousiasme, mon empathie, ma tendresse, mon indifférence, mon affection ou ma révolte, mon antagonisme ou ma commisération dans ce système binaire simplifié.

J’ai donc décidé d’éliminer ces deux expressions de mon vocabulaire et de réagir à ce que tu me dis avec davantage de finesse et donc de sincérité (c’est tellement vite dit : « c’est cool » ou « c’est relou », ou écrit par sms ou dans un chat : « c cool » ou « c relou », ce qui veut juste dire « j’accuse réception de ton info positive/négative » et basta).

 

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