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A la cité de l’Architecture et du Patrimoine, au Palais de Chaillot donc. Le sujet est intriguant, le lieu inhabituel, cela vaut donc une visite, en ce mois d’août où les musées plus « classiques » sont envahis de touristes.

D’habitude,  je suis plutôt enthousiaste après une expo, mais là, je suis partagée… Le sujet est assez glauque : il s’agit de montrer en quoi la Seconde guerre mondiale a donné l’opportunité aux architectes d’innover, et aussi à quoi ils ont été contraints par leurs gouvernements en guerre, voire ceux qui les ont fait prisonniers. Déjà, l’exposition est au sous-sol, sans fenêtres et faiblement éclairée. Les commissaires ont-ils voulu recréer une atmosphère d’abri anti-aérien ? Ce n’est pas clair, sans jeu de mots… Et en même temps, on y voit des photos qu’on n’avait jamais vues, ou des lieux très connus mais explorés sous l’angle de leur conception architecturale. Cela donne une impression de désorientation dès l’entrée, la première partie étant consacrée aux villes détruites par l’aviation, pour montrer que cette guerre touche aussi les civils dans leurs habitations. On voit sur un grand écran les ruines en flammes de Londres, Guernica, etc. avec un commentaire d’époque sinistre.

Plutôt que de tout détailler, car il y a 17 thèmes, je vais résumer : il s’agit de construire des abris anti-aériens, des usines démontables pour fabriquer tout ce qui sert à la guerre, avec les logements d’ouvriers comme des caissons, des abris provisoires en préfabriqué pour les populations évacuées, ou les troupes telle la baraque Quonset des Américains, des camouflages pour que l’ennemi ne voie pas les gares et les usines (ça c’est super rigolo, il y a même eu des concours de camouflage pour les jeunes architectes), des fortifications comme la ligne Maginot… Il y a même eu un faux village allemand et un faux village japonais construits aux Etats-Unis avec les intérieurs des maisons réellement meublés, pour qu’une arme incendiaire nouvelle soit expérimentée sur leur destruction : le napalm !

Quatre projets particuliers ont une alcôve à part : le Pentagone, construit entre 1941 et 1943 avec un calcul de surface qui prévoit pas plus de 7 minutes pour se rendre d’un bureau à un autre ; Auschwitz, avec Monowitz et l’usine IG Farben – on voit une photo du jeune SS qui a conçu tous les plans ; Peenemünde, en Norvège, où Werner Von Braun construisait les V2 et enfin le tribunal de Nuremberg avec la conception de la salle du jugement. Chacun de ses quatre « macro-projets », comme les nomme l’exposition, est accompagné d’un documentaire diffusé en boucle. Deux choses m’ont choquée : pour « illustrer » Auschwitz, c’est le film russe qui passe, or nous savons que les Russes sont entrés dans le camp, n’ont touché à rien et sont revenus avec des caméras, demandant aux déportés de se tenir devant les barbelés, organisant une forme de mise en scène. Le commentaire est très limite aussi, avec une propagande stalinienne anti-fasciste simpliste, mais rien ne nous en prévient. Quant à Peenemünde, il est juste écrit sur un panneau que de nombreux prisonniers ont participé aux constructions de fusées et les archives de la Gaumont montrent Von Braun et des Allemands en train de consulter des plans. Or on sait que des milliers de déportés ont vécu dans des conditions concentrationnaires atroces dans cet endroit et ont laissé leur vie pour construire ces fusées, (même si ce n’est pas le sujet, une phrase de plus dans chacun de ces deux cas aurait été la bienvenue).  Peenemünde si vous voulez en savoir plus…

On apprend aussi beaucoup de choses sur les architectes prisonniers de guerre qui continuaient à créer, puis une dernière partie est consacrée à l’après-guerre, avec le recyclage des matériaux et la reconstruction des cités détruites. Une section est dédiée à « l’architecture de la mémoire », c’est-à-dire aux monuments érigés dans les décennies suivantes.

Je suis ressortie de là en ayant appris des choses, certes, mais avec une impression de malaise. Toutes ces créations originales, au fond, ont servi des oeuvres de destruction ou de protection contre la destruction et ce n’est pas très confortable de nous rappeler que l’architecture moderne a bénéficié d’innovations technologiques motivées par ces conditions extrêmes…

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