Conversation avec un écrivain âgé 

Je discute avec Endre Karatson, écrivain hongrois et professeur émérite de littérature comparée. Nous parlons de radio (les mesures d’audience sont tombées hier pour la période de la rentrée), des nouveaux moyens de l’écouter – en streaming, en podcast sur Ipod ou smartphone, sur ordinateur tout en faisant autre chose, des nouveaux contenus qui doivent s’adapter à ces nouveaux modes d’écoute, des nouveaux médias – webradios notamment – et il a déjà le vertige. Puis il me demande conseil pour un nouveau smartphone qu’on doit lui offrir à Noël : que demander ? Je lui parle d’IOS et d’Android, le tout est de choisir. Nous parlons applications, je lui décris ce que j’ai moi-même et à quoi ça me sert, et lui conseille vivement la 4G, lui qui se plaint que son vieux smartphone est très lent. Il prend note. Alors je parle de synchronisation avec son ordinateur pour ne pas perdre de données (photos, sms, contacts, agendas). Très fière, je lui explique que je n’ai plus de plan, là où lui se déplace encore avec un petit bouquin du plan de Paris. J’ai l’appli RATP et j’ai « Plans » où je tape l’adresse de ma destination en sortant du métro et le chemin m’est indiqué. Je n’ai plus d’agenda ni de carnet d’adresse. Je parle de dématérialisation des supports. Tout est dans la mémoire de l’ordinateur, du smartphone, sur clé USB et disque dur externe. Tout à coup, il me dit :

Pas d’agenda papier, ça veut dire que toute la mémoire du passé s’efface ?!

Euh… Mince ! Ben oui… « Et alors moi qui prévois d’écrire mon histoire, je vais me fonder sur quoi ? », demande-t-il. Euh… Re-mince ! Lui a utilisé ses vieux agendas pour écrire ses mémoires. Bon, il pensait que le 1er janvier, toute l’année précédente s’effaçait d’un coup, c’est un peu moins radical que ça. Mais ça m’a fait réfléchir, car j’ai déjà essayé de retrouver, par exemple la date d’un rendez-vous chez l’ostéopathe quelques mois plus tôt, et tout était effacé. Mais, me direz-vous, la fréquence de ces rendez-vous n’a pas d’importance quand on écrit ses mémoires. Certes, mais au fond, je ne sais pas du tout combien de temps la « mémoire du passé » est conservée dans l’agenda électronique. Me voici inquiète…

Je m’en suis tirée par l’aveu d’un secret : je tiens un journal sur papier !

Et là, je note des événements autrement importants que des rendez-vous médicaux. Je m’y replonge parfois pour me rappeler la chronologie précise de certains événements ou mon état d’esprit à telle ou telle période charnière dans ma vie personnelle ou professionnelle. J’en ai cependant détruit certains et il peut parfois s’écouler un bon mois entre deux entrées, alors j’essaie de tout résumer mais j’omets certainement des ressentis, des dialogues, des colères ou des joies…

Mais la vraie mémoire de ta vie ? Tes photos !

Ouf, sauvée ! J’y ai pensé en dernier : comme tout le monde, je prends plein de photos, pas des selfies, mais depuis que je tiens ce blog, les événements auxquels j’assiste, les lieux que je visite, les gens avec qui je me trouve. Comme ça, si plus tard j’ai envie d’en faire un article, les illustrations seront disponibles ! Classées dans des répertoires, elles conservent ma mémoire des dates. Du coup, j’avoue que je dégaine mon smartphone à tout va. Quant aux vacances, elles sont dûment documentées avec un appareil photo.

Au fond, c’est une sorte d’agenda en images, un nouveau mode de conservation de la mémoire du passé.

 

 

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