Petit coup de gueule ce soir !

Je viens de lire dans l’un de mes magazines habituels que le roman de Virginia Woolf The Voyage out vient de reparaître en français dans la traduction d’Armel Guerne et sous le titre Croisière. Magnifiquement traduit par Marguerite Yourcenar il y a bien longtemps déjà, il portait le titre de La traversée des apparences. Ce titre reflétait bien l’intrigue, puisque la jeune héroïne, traversant l’océan Atlantique pour aller en Amérique du Sud, découvrait en même temps que le monde des adultes est hypocrite et insincère, donc tout en apparences. Je n’ai rien contre Armel Guerne qui décide de le retraduire en 1952, mais pourquoi sous un autre titre ? On a l’impression que le roman parle d’un voyage d’agrément en mer, alors qu’il s’agit de tout autre chose.

Et ce n’est pas la seule oeuvre de Virginia Woolf qui subit ce changement, puisque To the Lighthouse paru sous le titre de La promenade au phare est retraduit sous le titre Vers le phare, plus proche de l’original en effet, mais a-t-on pensé à tous les lecteurs francophones qui le connaissaient sous le premier titre et peuvent être perplexes ?! De même, Une chambre à soi s’intitule Un lieu à soi dans la traduction de Marie Darrieussecq. Est-ce bien utile ?

Ce n’est pas la traduction elle-même que je remets en cause, au contraire, il faut parfois un petit coup de frais aux romans traduits autrefois, ça peut être fait avec talent. Ce qui me gêne, c’est de donner l’impression qu’il ne s’agit pas du même livre. Aurait-on l’idée de retraduire L’idiot de Dostoïevski en l’intitulant L’Imbécile ?

Bien sûr, ce n’est pas très grave, mais ça m’agace et je tenais à le faire savoir. Car vous qui me lisez, vous savez que Virginia Woolf est l’un de mes auteurs préférés de tous les temps, grâce à cet article paru ici-même. Et je vous ai aussi parlé du métier de traducteur ici.

Christophe Ono-dit-Biot dit d’ailleurs le plus grand bien du roman, le premier qu’a écrit Virginia Woolf, et je vous le recommande dans la traduction que vous souhaitez. Il ne mentionne pas Armel Guerne, comme trop souvent, hélas, les critiques littéraires qui nous zappent, sauf pour critiquer notre travail plutôt que pour le louer (et justement il cite Marie Darrieussecq pour dire que c’est la meilleure traduction de A room of one’s own, ben tiens)…

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